Mensonges et fleurs de sang. {Terminé}

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Les cris, les lames qui se percutaient. Tout ce brouhaha était à en vous donner une migraine. C'est pour cette raison qu'elle se réfugia dans les ruelles sombres, ce genre d'ambiance, elle n'aimait guère, sauf que rester dans un arène était bien pire. Courageux combattants qui rentraient chez soi avec un bras en moins, ou une jambe. La jeune femme était bien loin d'apprécier ce genre de passe-temps, même si elle avait la capacité de se régénérer. Pourquoi se fatiguer à se blesser, franchement ?

Le petit bout de femme trébucha dans une racine d'arbre mort, manquant de frapper quelqu'un qui n'avait pas l'air sympathique, qui sait, rien qu'en poussant accidentellement un étranger, ici tu risquais un combat. Voir la mort. Aussitôt éloignée de l'inconnu, elle s'isola dans une petite ruelle étroite pour rejoindre l'autre bout du tunnel. Déjà l'endroit semblait plus éclairée, mais la nuance était très faible. Seulement, il n'y avait plus personne, sauf une. Elle était étalée au sol.

« ... Monsieur ! Vous allez bien ?... Monsieur ! »

Nephthys se rapprocha de l'homme allongé contre le parquet, il était inconscient. Elle s'accroupit à ses côtés pour tenter un sauvetage, les mains contre le crâne du blessé. Étrangement, il n'y avait aucune cicatrises ou blessures.

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*Il y a trop de bruit ici. Dès que je me réveille, je vais tous les tuer*

Une pensée humaniste comme il en avait par milliers chaque jour vint à l'esprit de Dassyldroth alors qu'il sombrait dans un miasme de sensations factices et périmées. Il était d'humeur loquace aujourd'hui, c'est probablement pour cette raison qu'il y a quelques minutes, au lieu de menacer ce gaillard qui avait sur lui du Skooma de l'étriper afin de répandre le reste des ses entrailles dans toute l'allée s'il refusait de lui donner sa fiole, il la lui avait achetée à bon prix.

"Dix pièces"

Lui avait-il dit. C'est ce qu'il disait toujours. Le système monétaire des mortels ne surprenait pas Dassyldroth. Rien ne le surprenait depuis très longtemps. Tout ce que Dassyldroth payait, il le payait dix pièces, et en environ un siècle d'errance dans le monde du milieu, cela lui avait plutôt bien réussi. Du pari à la partie d'échecs à la chope d'ale brune en passant par la chambre d'auberge, le Seigneur Démon s'était amusé à disperser dix pièces par ci, dix pièces par là. Dix pièces pour l’aiguisage et le graissage de son sabre, probablement la seule de ses possessions qui nécessitait un entretien particulier. Curieuse chose que de voir en ces pièces de métal une valeur pour acheter ce qu'on veut, alors que la réelle monnaie qui nous permet d'obtenir ce qu'on souhaite n'est ni plus ni moins que le temps. Le Seigneur Démon en avait, du temps.
Et tout comme ceux qui avaient le malheur de le croiser au mauvais moment, Dassyldroth était en train de tuer le temps. Il y avait en Madorass, la cité royale, une arène où il était venu- incognito, comme à son habitude- il y a quelque chose comme deux cents ans. A l'époque, il y avait remporté le titre de champion en étant le maître danseur d'une parade macabre auxquels se livraient plusieurs mortels, qui chacun leur tour venaient à lui pour mourir. Il était revenu, sans trop savoir pourquoi. Sans doute parce que Dassyldroth s'ennuyait profondément.
Arrivé à destination, il s'était dit qu'observer des tas de viande mortelle s'entretuer serait une bonne idée, puis quelques secondes après, il s'était rendu compte de la stupidité de sa propre pensée. Abruti de Seigneur Démon. Après l'ennui vint l'oisiveté, et avec l'oisiveté, c'était le Skooma qui avait fait son apparition. Skooma de mauvaise qualité de plus, ceci expliquant pourquoi Dassyldroth était actuellement affalé contre un mur, les yeux dans le vide.

"Les arches m'empêchent... d'y voir... mes tempes..."

Cafouillage de drogué. On pouvait décrire assez simplement ce qui venait aux lèvres du Seigneur Démon. Et quel Seigneur Démon. Complètement amorphe dans une arène de seconde zone, il était beau le Seigneur de la Fin des Temps. Cette femme qui s'était penchée sur lui, il n'en voyait que la silhouette, ses yeux, tout comme ses autres organes sensoriels, étaient complètement meurtris par l'ingestion du Skooma. Malgré tout il sentait des doigts parcourir son visage. Deux? Trois? Quinze? Aucune idée. Peut être étaient-ce des fourmis géantes, venues se repaître de sa carcasse. Ou encore ces saletés de lamia, qui avaient retrouvé sa trace depuis les étendues désertiques du néant. Dans ce genre de moments, Dassyldroth ne vit pas, il subit.

"Ouvre-toi ... je t'en prie ... Murailles de l'esprit contre flammes infernales..."

*Tais-toi, tu dis n'importe quoi. Plus jamais de Skooma. Plus jamais.*

Dans une tentative de mouvement, Ars parvint à lever son bras droit, pour pointer de l'index cette personne qui l'avait remarquée. Il s'agissait là de prouver qu'il était capable de se mouvoir, il ne restait plus qu'à espérer que cette femme n'avait pas l'intention de le tuer. Ici et maintenant, même un gamin aurait pu se pencher sur lui, et lui entailler la gorge. Ainsi aurait pu mourir le Seigneur Démon. Une mort à sa hauteur.

Fleur Anesthésique ________________ ________________

La demoiselle ne lâchait pas le corps amorphe des yeux. Au bout de quelques secondes, les pupilles de la femme devinrent blanches, alors qu'elle cherchait le trouble du malade. De la... Drogue ? Elle n'avait ni vu maladie mentale, ni corporelle, il était simplement drogué. Cependant, lorsqu'elle cherchait à en retirer les symptômes, ses mains se mirent à picoter, comme si son énergie n'arrivait pas à entrer dans le corps malade. Elle battit des paupières, revenant à la réalité aussitôt. Quelque chose bloquait le corps de l'homme et elle ne savait pas pourquoi.

« Diantre... »

Elle prit une grande respiration, puis recommença son jeu. Ses pupilles, ses mains, sa peau qui picota à nouveau. À son retour, une douleur crânienne surgit, puis elle sentit un petit liquide couler le long de sa narine. Haletante, elle toucha la mixture, découvrant ainsi qu'elle perdait un peu de son sang. Bon sang, elle n'avait jamais saigné aussi facilement. Quelque chose clochait avec ce garçon, elle l'avait ressentie cette fois. Un flot d'énergie bloquait le sien, pour nul ne sait quelle raison. Elle ne pouvait donc pas le guérir, pas avec son don.

« ... ? »

La petite femme avait alors eu vent des paroles du roi, mais n'en comprit pas son sens. Probablement les effets de la drogue. Elle se pencha d'avantage et tendis l'oreille, fronçant les sourcils aux paroles louches du pauvre homme.

« Skooma vous dites ? Ne me dites pas que vous prenez ce genre de chose... »

Heureusement, elle avait au moins apporté sa gourde d'eau, seulement pour l'hydrater. Elle souleva la tête du démon, couchant ce dernier sur ses cuisses pour lui faire boire un peu d'eau. Obligée d'ouvrir de force sa bouche, qu'ils puisse s'hydrater. Elle tapota ensuite ses joues, histoire de stimuler la circulation sanguine.

« Aller aller, c'est finit, votre muraille est ouverte. »

Un sourit naquit sur les lèvres de la demoiselle, rangeant sa gourde pour aider l'homme à se relever. Elle avait pensé aller chercher ses plantes médicinales chez elle, seulement la route serait trop longue. L'apporter serait un enfer, mais au moins elle ne risquait pas de le perdre de vue.

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* Bon sang mais qui est-ce? Qu'est-ce que...*

Malgré son état manifeste de loque humaine, Dassyldroth disposait encore d'un minimum de perception. Quelqu'un lui parlait, apparemment ce quelqu'un ne lui voulait pas de mal. Et pour preuve, il était encore en vie. Voilà le genre de moment où même lui se détestait. Il se savait discourtois, froid comme la pierre, cruel, mais il se savait puissant. Il fut un temps où il était plus puissant encore. Dans sa prime jeunesse, séant sur le trône démoniaque du Vein, la couronne de Domination coiffait son crâne, et s'il lui venait l'envie de voir le soleil du monde du milieu tourner au rouge, telle aurait-été sa volonté. Hélas, rien n'est éternel, sinon le changement. Des siècles après cette euphorie malsaine de pouvoir, le Seigneur Démon ne valait plus grand chose, et la situation actuelle le prouvait bien. Sa tête était reposée sur les cuisses d'une inconnue, et la fortune voulut que cette dernière essayait de l'aider? Soit.

"Je déteste.... la magie.... arrêtes ça....."

Curieusement, le sens de la magie de Dassyldroth était vraisemblablement le dernier de ses sens à avoir été rescapé du Skooma. C'est dans ces moments là qu'il savait que quelque part, dans un autre monde peut être, un être vicieux se délectait de son ironie. Lui qui portait les arcanes en horreur. Arme de faible. Arme de femme.

"Arme... d'ange..."

C'était un sacré jeu du destin que le Seigneur subissait. Depuis le début, et jusqu'à la fin, la magie n'est à ses yeux que la pitoyable excuse de milliers de démons, anges et mortels pour ne pas s'engager sur la voie du Guerrier, la voie du redoutable conquérant. Il devait cependant admettre que la sorcellerie relevait d'un certain savoir. Et bien soit, ce savoir devait rester dans les bibliothèques.
Quoi qu'il en soit, rien ne le stimulait plus que la magie à présent. Il la sentait sur sa peau défiler, tenter de rentrer en lui. Il n'en serait rien. Le corps de Dassyldroth était porteur d'un pouvoir qui se faisait bien de repousser, rejeter la magie. Pour un démon, il avait le corps définitivement pur.

" Non... pas pendant mes phases... je vais..."

Si depuis un certain temps il parvenait à déblatérer des inepties issues d'un esprit trompé par le Skooma, il avait le plus grand mal du monde à concentrer son regard sur quelque chose. Cette situation changea brusquement, tout comme la taille de ses pupilles qu'il avait si dilatées, injectées de sang et de fièvre. En un éclair, sa vue s'affina. Elle s'affina si vite qu'il en eu mal au coeur. Ce phénomène se produisit sur la plupart de ses autres sens. Il les recouvrait tous, inhabituellement vite, chacun accompagnés d'une nausée plus forte que a précédente.

Il se sentait capable de se mouvoir lorsque la nausée fut trop importante pour lui. En un geste bref mais fort il écarta de son bras la femme qui lui avait porté assistance, et se pencha sur le côté pour cracher au sol dans un bruit des moins plaisants un amas de bile et de Skooma à moitié digéré, accompagné des restes de son repas de la veille. Tout cela, étalé sur le parquet des tribunes en quelques secondes. Il sentait au bord de ses yeux des larmes qui étaient davantage dûes à la contraction du visage plutôt qu'à la moindre tristesse. Drôle de mot. Il n'avait jamais été triste.

Son regard se fixa sur cette inconnue. Elle était belle. Avait-on besoin d'en dire plus? Une candide petite chose aux cheveux platines et à la peau diaphane. Il aurait adoré la briser comme on brise une belle sculpture. Fort heureusement pour elle, l'état troublé du Seigneur Démon fit qu'il avait oublié certaines choses concernant les secondes précédentes, notamment le fait qu'elle avait usé de magie sur lui. Il l'aurait emmenée dans le Vein pour lui faire connaître la souffrance telle qu'il la connait pour moins que ça.

"Toi... qui es-tu? Où est-ce qu'on est? Qu'est-ce que c'est que ce bruit?"

L'esprit troublé de Dassyldroth était en plein choc. D'ordinaire, la redescente de Skooma se faisait tout aussi lentement que la montée, pareille à l'agonie d'un estropié de fraîche date. Là, quelque chose avait perturbé l'organisme du démon. Il n'avait plus été surpris depuis longtemps. Il en avait même oublié l'arène.

"J'ai soif... fais moi boire... pas de poison, de l'eau... je connais les lamia... n'est-ce pas? "

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Elle sentit une main pousser contre son ventre, la repoussant ainsi plus loin, tandis qu'il se vidait les tripes sur le plancher. Elle grimaça d'abord aux images, puis aux odeurs. Se relevant en quatrième vitesse pour aider le type à se relever. Le pauvre, l'enfer qu'il devait vivre. Bien qu'il détestait la magie, les armes d'anges, tout ça. Il n'avait pas l'air bien bien féroce, cet homme.

« ... Ça va aller ? »

Il posait mille et une question, comme s'il sortait d'un autre monde. Légèrement paranoïaque, troublé et surtout, assoiffé. La demoiselle tendit sa gourde, un faible sourire fendait ses lèvres dans l'espoir qu'il aille mieux. Ce qu'elle savait d'avance : ce type était cinglé.

« Je ne sais pas de quel bruit vous parlez... Je suis Nephthys. Buvez, votre drogue vous déshydrate. »

Surtout le sale liquide au sol, dont l'eau qu'elle lui avait donné plus tôt. Bon sang, les gens qui se droguent ne se rendent pas compte qu'ils deviennent un vrai fardeau. Pour Nephthys, ça ne lui dérangeait pas qu'on ait besoin de son aide, au contraire, mais pour d'autres...

« êtes-vous égaré ? »

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Après avoir expulsé de son système digestif les restes de viande, de Skooma et d'eau qui persistaient à tapir son estomac sur le parquet de l'arène, Dassyldroth se sentit tout chose. Premièrement, il se sentait encore endolori par la substance psychotrope bien qu'il en avait vu les dernières gouttes s'écouler de sa bouche dans un bruit guttural des plus rauques. Le retour a la réalité avait été très violent pour lui, et il souffrait à présent d'un mal de crâne qui s'annonçait des plus persistants. La belle aux cheveux clairs l'avait aidé à se relever. Tant de siècles passés à errer lui avait appris qu'on trouvera toujours de la bonté et de l'aide dans les endroits où on s'y attends le moins. C'était dû, selon lui, au manque de constance des humains. Imprévisibles vermisseaux, tendre gibier. Quoi qu'il en soit, il lui était reconnaissant, d'une manière où d'une autre.

" Est-ce que ca va? Oui... je pense... attends une minute."

Le Seigneur Démon, dont le charisme naturel était fortement réduit à l'heure qu'il est, se mit à regarder de tous les côtés. Il lui manquait son sabre. Se mettant à la recherche de sa fidèle lame, il se mit à tituber ça et là, pour enfin s'affaler sur le mur au pied duquel il était quelque temps plus tôt. Il lui fallait encore recouvrer tous ses moyens, et pour ça il allait prendre son temps. Ainsi, il parvint, en quelques secondes, à se tenir droit sur ses jambes, et plia les dernières pour ramasser son sabre, qu'il remit dans son fourreau.

" C'est bon. "

Lorsqu'il releva la tête, la belle inconnue lui tendait sa gourde d'eau. Comme mu par un besoin bestial de s'hydrater, il manqua de lui arracher le bras en la saisissant. Un mouvement brutal qu'il ne manqua pas de reconnaître en le faisant suivre d'un:

" Pardon... "

Sur ces mots, Dassyldroth vida l'outre de ton son contenu. Qu'est-ce que c'était bon. Toute cette eau, il la sentait descendre dans le plus profond de ses entrailles, irriguant un sillon qui était resté sec pendant des siècles. Une fois qu'il eut fini de se réhydrater, le Seigneur Démon baissa le coude, et put enfin regarder l'étrangère à taille égale. Il avait beau avoir recouvré ses sens, il en demeurait perturbé. Qu'est-ce qui s'était passé?
" Égaré? Je ne sais pas... que m'est-il arrivé? On m'a refilé du mauvais Skooma, enfin je crois. J'ai parlé pendant mes vision, n'est-ce pas? Nephthys? Ca n'a rien d'humain... vous êtes un ange?

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Elle tressaillit lorsqu'il lui arracha la gourde des mains, un peu plus et il emportait le petit bout de femme avec la gourde. Il était conscient et cela la rendit nerveuse; maintenant qu'il avait toute sa tête, il pouvait avoir les pires idées. À sa question, la demoiselle se raidit, sang de dieu... Comment avait-il deviné ? Rien que par son prénom ? Pourtant, il n'avait aucune origine.

« Moi ? Un ange... Pourquoi cette question ? »

La méfiance fit scintiller les yeux de la jeune femme. Nous ne savons pas à qui nous parlons. Avait dit sa mère à son enfant. Il pouvait être un démon, un humain albinos ou une autre créature plus affreuse encore. Il était grand, il n'avait pas l'air si inoffensif que lorsqu'il avait de cette substance dans le corps. Quoique...

« Vous... Discutiez d'un portail, Non... D'une muraille enflammée je crois bien. »

Un sourcil étira les petits traits de la mam'zelle, qui le dévisageait étrangement. S'il était une créature maléfique, ce serait probablement la plus grosse blague de tous les temps. Pourquoi posait-il autant de questions ? ... Bon sang, ça n'avait rien de bon. S'il était vraiment un être du monde du dessous, il lui sauterait à la gorge et lui ferait subir toutes les cruautés du monde s'il avait conscience de ses origines.

« Vous étiez allongé, juste là. »

Dit-elle, désignant l'endroit pour appuyer sa réponse. Calme d'apparence, nerveuse d'âme.

« Ce coin est dangereux, je propose de prendre la route. »

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Visiblement, l'approche relativement directe de Dassyldroth à propos des anges avait troublé la jeune femme. Peut être avait-il vu juste. Ou peut être avait-il dit tout autre chose, lui qui avait encore l'esprit embrumé par une altération trop vive de son état. Sa pensée n'était pas infaillible, encore moins maintenant. Quand bien même, à supposer que ce beau petit bout de femme soit un être angélique, cela ne changerait que peu de choses. Il avait remarqué le paradoxe de ces êtres qui voulaient le bien et la paix et qui pourtant se déversaient sur le Monde du Milieu et qui, de la même manière que les Démons, venaient imbiber la terre du sang de tout ce qui n'était pas pur ou bon à leurs yeux. Certes, il existait des exceptions, mais si la belle aux yeux clairs était bel et bien une séraphine, elle avait déjà commis l'erreur de lui porter assistance. Et maintenant, il était debout, sabre à la taille, chancelant, certes, mais capable de faire un massacre d'une main si le coeur le lui disait.

Ces pensées paranoïaques se faisaient si naturellement que le Seigneur ne les avait pas perçues. Simple formalité sans doute. Quoi qu'il en soit, la réaction de cette belle inconnue était curieuse. Jolie menteuse descendue du ciel ou simplette mortelle égarée dans la tanière des loups?

" Vous l'avez dit comme si vous étiez un ange. Peut être que c'est votre accent, je ne sais pas... gnhh, ma tête."

Peu à peu, Dassyldroth se sentait de moins en moins lourd. Pourtant, ce mal de crâne persistait, ça n'allait pas aider son humeur morose à s'arranger. Il voyait encore les formes se déformer, ça et là. La prise régulière de Skooma l'avait habitué à ce genre de phénomènes, mais d'ordinaire, quand ça se produisait, il était complètement affalé quelque part, le regard vide de tout et le corps étendu par terre comme un cadavre. Cette fois-ci, il était conscient, drôle d'expérience.

" La muraille enflammée? Ca ne me dit rien... oubliez-ça, inepties d'un esprit drogué. "

Une muraille enflammée? Jolie image, quoique plutôt difficile à concevoir. Pas la peine d'y réfléchir davantage, cela ne voulait rien dire. C'était donc ce genre de choses qui sortait de la bouche de Dassyldroth lorsqu'il délirait à cause du Skooma? Il trouvait là une autre bonne raison d'arrêter.

Mais les démons ne sont pas raisonnables, le contraire se saurait.

" Allongé... oui... je me rappelle... tout ça au clair de lune."

Visiblement, Dassyldroth ne maîtrisait toujours pas la totalité des mots qui sortaient de sa bouche. Cette barrière métaphorique qui, d'ordinaire, se trouvait entre les choses pensées et réfléchies que l'on prononçait et ce flot intarissable d'images et de concepts tous aussi impertinents les uns que les autres, s'était cassée. Il arrivait pourtant à comprendre ce qu'on lui disait. Apparemment, cette jeune inconnue n'avait pas envie de rester bien longtemps dans cet endroit, entourée de malfrats et de gladiateurs. Lui s'y sentait à ses aises, mais il était curieux d'en apprendre plus sur le doux agneau qui s'était offert aux crocs du grand méchant loup.

" Prendre la route... très bien. Guidez-moi, je vais vous suivre. "

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Elle avait soigneusement ignoré le sujet de l'ange, la main collée au front du malade pour vérifier qu'il n'avait rien de grave. Le Skooma et sa guérison avait dû affecter le corps du grand homme, car maintenant il était fiévreux.

« Vous avez de la fièvre, mais je ne peux pas vous soigner ici. »

Sur-ce, la femme tourna les talons, prenant en charge le pauvre homme malmené par les substances humaines et chimiques. Durant la route, elle ne s'arrêta que pour ramasser l'étranger qui s'affalait ici et là entre intervalles de 20 minutes. Le hissant ainsi contre ses maigres épaules pour le traîner chaque fois un peu plus loin. Au bout du comble, ils arrivèrent, se rangeant devant la porte pour se faufiler à l'intérieur.

Rien de tel qu'une bonne balade en compagnie d'un type encore dans les vapes de la drogue, entourée de malfrats et de créatures plus laides l'une de l'autre. Heureusement, maintenant elle était chez elle. Bien que ce n'eut pas l'air une partie de plaisir pour ses parents :

« Nephthys ! Nephthys ! Où étais-tu ?! »

La jeune femme ouvrit la bouche dans l'espoir de répondre, mais sa mère reprit la parole d'un air irrité.

« Que nous ramènes-tu ? »

Evidemment, elle avait jeté un coup d'oeil sur le nouvel individu, alors que Nephthys, elle, le déposait au salon contre le parquet parsemé de peaux animales. Les parents observèrent longtemps la nouvelle présence, déjà il ne sentait pas bon - la bile, le vomi - et ensuite, son visage redonnèrent aux aînés d'épouvantables souvenirs. La bonne femme, d'un air horrifié, plaqua ses mains contre son visage ridé d'expérience.

« Bonté divine ! »

Le père avait murmuré quelque chose d’incompréhensible au même moment où sa femme s'épouvantait. Nephthys, complètement en dehors de la traque, les fixait avec interrogation. Ars ?

« Qui c'est ? »

Le père agrippa le bras de sa fille, l'éloignant du monstre installé dans leur salon. Nephthys serra des dents en voyant sa PROPRE dague, enfermée entre les doigts lourds et gros de son père. Aussitôt et d'un mouvement impulsif, elle poussa la dague jusqu'à l'autre bout de la pièce.

« Que faites-vous, père ?! »

L'homme, d'une voix rauque, répondit.

« Ne t'approches pas de lui, tu sais ce qu'il est ? »

Elle avait les yeux ronds, elle ne savait pas, non.

« ... Non ? »

La mère se réfugiait dans une autre pièce, effrayée, tandis que le père relâchait sa fille pour retrouver son arme, furieux.

« Nous lui trancherons la tête pendant qu'il est encore temps. Écartes-toi Nephthys. »

Au moment même où il s'apprêtait à couper la tête du démon, la jeune femme s'était mise devant, les mains tendues.

« Père, arrêtez ! Il est malade, il faut le soigner ! Ce n'est pas vous qui disiez ne vivre que de paix et d'amour ? »

« C'est ta mère. Il est faible, autant en finir. »

« Non ! »

Elle lui lança un regard piteux, celui d'un bébé chiot qui a été maltraité et séparé de sa tendre famille. Son père s'arrêta, grogna quelque chose et quitta le salon. Non il n'avait pas été convaincu, il comptait d'ailleurs le tuer l'étranger lorsque sa fille ne regarderait pas. Fière, la petite femme se tourna vers le malade et une fois accroupit, elle lui lança un petit regard niais et aimable, parce qu'elle était un ange, non ?

« Vous êtes sauf. »

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Depuis le départ de l'arène, Dassyldroth se sentait mieux. Marcher, prendre l'air, cela l'avait aidé à retrouver un état à peu près normal. Il n'y avait que ce mal de crâne persistant pour lui rappeler quelle loque il était de consommer tant de Skooma partout où il le pouvait. Pendant la route, il avait trébuché sur un pavé mal placé, et s'était retrouvé le nez contre la pierre. Etrange, il ne sentait même plus la douleur. S'il fallait trouver une bonne raison d'y être accro, c'était bien que le Skooma provoquait des effets toujours différents des autres prises. Dans cette position inconfortable il avait réfléchi à certaines choses, notamment l'avantage tactique d'une telle insensibilité à la douleur. Puis il s'était rappelé que cela n'avait que peu d'intérêt si l'on était incapable de se battre.

Bien que presque en pleine possession de ses moyens, le Seigneur Démon avait pris son temps avant de se relever. A vrai dire, il avait pris tellement de temps que la jeune dame qui lui tenait compagnie depuis quelques temps avait pris la peine de la relever malgré sa silhouette toute fine. Quelle adorable petite chose, si seulement elle savait...

Quelque part, il appréciait l'intention, et pour qu'il puisse à nouveau sentir sa douce peau frotter ça et là contre la sienne, il avait répété la procédure à plusieurs reprises. S'affaisser, attendre, profiter, reprendre le chemin. D'ordinaire, les contacts physiques qu'il entretenait avec la gent féminine étaient moins innocents, beaucoup moins innocents. Pour le moment, cela lui convenait.

«... lui trancherons la tête ... »

Comme un réflexe de survie, rien, parmi les bruits et paroles qui entouraient Dassyldroth, n'était plus limpide et compréhensible que ces mots. La fille à la peau claire avait dit l'emmener dans un endroit plus sur que l'arène où il avait consommé son cadeau empoisonné, et pourtant il était désormais quelque part où on le connaissait, et on ne lui voulait pas que du bien. Désormais, elle s'était penchée sur lui, et tentait de le rassurer. Si seulement elle savait que, même dans cet état, il était bien capable de dégainer son sabre, et de les tuer tous les trois, chacun en un mouvement de lame. Mais il ne ferait pas. Du moins, pas de suite, et pas tous. La jeunette avait gagné sa place dans la cour de Dassyldroth, et si il devait la tuer, il la tuerait en premier, pour lui épargner le spectacle macabre habituel aux crises de colères du Seigneur.

Entre deux poussées de fièvre, il se redressa et murmura à l'oreille de Nephthys.

" Tu devrais déconseiller à ton père de tenter quoi que ce soit... Ca vaut mieux pour vous trois. "

Fleur Anesthésique ________________ ________________

''Ca vaut mieux pour vous trois.''

Était-ce une menace ? Certes, elle avait le loisir de le prendre ainsi, ou non, et comme elle était d'une gentillesse exceptionnelle, mais surtout d'une naïveté incomparable, la jeune femme oublia bien vite les paroles du garçon. Déterminée, elle se détacha de son protégé pour prendre ce qu'elle avait besoin, de quoi le soigner.

« Vous savez, mes parents sont paranoïaques, je dois juste... »

Elle les entendit se chamailler, comme chaque fois que la situation dégénérait. Diantre, cet endroit n'était plus sûr pour ce pauvre garçon. Heureusement, le petit bout de femme avait déjà trouvé sa solution. Prise d'une impulsion, elle attrapa en douceur les poignets du drogué pour le tirer d'affaires, quittant son foyer en sa compagnie.

Ils devaient maintenant s'éloigner... Où ? Elle n'avait pas une idée précise, mais elle connaissait les endroits les plus morts, comme la forêt par exemple. Les terres agricoles, les petits villages. Pour se faire, ils devront emprunter des chariots, ou monter sur des chevaux, car la route était longue.

« Aimez-vous les chevaux ? Seriez-vous apte à en chevaucher un ? Nous pourrions aussi prendre un chariot, mais ce serait encombrant. »

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Sotte. Cette fille était définitivement sotte. Ou tout aussi droguée que lui. Il avait beau avoir donné raison à ses parents, qui visiblement étaient au fait de sa réelle identité, Dassyldroth ne voyait aucune crainte dans les yeux de la petite. Il lui avait proféré une menace des plus directes, rien n'y faisait. Elle n'avait rien compris. La pauvre était en train, sans le savoir, de condamner le Monde à quelques siècles supplémentaires de guerre et de mort en s'occupant de celui qui allait se charger d'amener le Chaos hors du Vein. Elle disait que ses parents étaient paranoïaques. Etait-elle si jeune au point de ne rien savoir de ces choses? Ses parents, eux, visiblement, savaient. Mais ce n'était pas un problème pour le Seigneur Démon. En deux siècles d'errance dans Feleth, il avait à plusieurs reprises dévoilé son identité à qui lui posait la question, et sur le peu de personnes qui ne l'avaient pas pris pour un fou, la quasi totalité de ces gens avaient été pris pour des fous à leur tour, alors à quoi bon se cacher. Si anges comme humains étaient aveuglés par leur ego, il ne pouvait rien pour eux.

Voilà maintenant que Nephthys lui proposait d'aller vadrouiller à cheval, alors qu'elle n'avait probablement pas encore de destination en tête. Avec ce mal de crâne omniprésent, Dassyldroth avait d'abord pensé à un délire, ou un relent de Skooma, mais elle avait l'air sérieuse. Curieusement, elle avait réussi à intriguer le Seigneur de la Fin des Temps. Lui qui la trouvait si stupide, peut être cachait-elle son jeu en usant d'un masque tellement gros qu'on peinerait à le voir comme tel. Il se pencha à nouveau à son oreille, mais cette fois-ci posa son front sur son épaule, et murmura à nouveau.

" ...prenons des chevaux, et partons. Nous avons à parler. "

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Ils prirent des chevaux, un pour chacun. Aussitôt montée sur l'animal, elle prit la course, puis au beau milieu, elle fit trotter sa monture afin de regarder le paysage. Entre-temps, elle vérifiait que tout allait bien derrière, s'il n'avait rien, s'il n'était pas tombé.

Puis au bout de 30 minutes de cheval, ils tombèrent sur une clairière, pas plus belle que ça, simple, parsemée de petits coins d'ombre. Un chantier sinueux traversait la clairière pour rejoindre un village agricole, mais Nephthys préférait les endroits forestières.

Elle se détacha de l'animal, l'attachant sur une souche d'arbre pour elle, se poser. S'installant sur un tronc tombé et mort, les yeux rivés sur le mystérieux inconnu.

« Je suis désolée pour tout ce... Remue-ménage. »

Le petit bout de femme semblait hésitant, de plus, elle semblait avoir soif. Empoignant avec douceur sa gourde, elle ouvrit le petit contenant rond et s'abreuva, reprenant ensuite la parole.

« Lorsque vous parliez d'ange... Eh bien... En fait je s... »

Un cheval se mit à hennir et cette dernière se tut pour regarder l'animal affolé, remarquant ensuite qu'une petit oiseau avait essayé de se poser sur son dos. Elle ne chercha cependant pas à reprendre la parole suite à l'incident, à nouveau muette à ce sujet.

« Êtes-vous dangereux ? »

Ses yeux perçants et pourtant inoffensifs vagabondèrent sur le visage de l'individu, l'air de chercher quelque chose dans son regard à lui. Quelque chose qu'elle ne connaissait pas.

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Avec le temps Dassyldroth était désormais capable de se mouvoir et d'agir correctement. Cette migraine dont il se plaignait plus tôt avait maintenant presque disparu au point qu'elle n'était localisée qu'au dessus de sa tempe gauche. Une nuit de sommeil, à tout casser, et cette douleur ne serait même plus un souvenir tant elle aurait été anecdotique. Il était maintenant à dos de cheval, et suivait la petite blonde qui l'avait menée "à l'abri" chez ses parents, qui avaient mal réagi au fait de voir entrer dans leur maison l'être qui allait déchaîner une armée d'abominations sur leur monde. Quels êtres sensibles...

Voyant la candide Nephthys se désarçonner, Dassyldroth pensa qu'il était temps de faire de même. Ils étaient désormais dans une clairière qu'il avait déjà traversé. Au loin se trouvait Dorna, un petit village sans histoire qu'il avait pillé il y a environ 300 ans. Il n'y était jamais retourné depuis. A vrai dire, le pillage de village avait beau être une activité des plus amusantes, le loisir ne durait pas. Pour lui, tuer des paysans revenait à donner des coup de pieds dans le sol en espérant que le sol riposte.

Voilà que maintenant, elle s'excusait. Dassyldroth aurait ri, s'il s'était rappelé comment faire. Mais ce n'était que peu important, puisque maintenant, il était en train de savourer un spectacle bien plus prenant.

Un ange pris au piège.

Elle était en train de bafouiller, elle qui avait commencé une phrase sans savoir comment la finir. Il était curieux, et ne le cachait pas. Ses pupilles rouges étaient en train de percer au plus profond de l'âme de cette belle sauveuse. Il profitait de cette occasion pour l'observer sous toutes les coutures. Ce petit bout de chair diaphane bien proportionnée lui donnait bien plus de divertissement qu'il l'espérait.

" Dangereux? Tout dépend de qui tu es. C'est bien plus intéressant comme question. Dis moi qui tu es. Dis-le moi, et je te donnerai mon nom. "

Fleur Anesthésique ________________ ________________

« Qui je suis ? Que voulez-vous dire ? »

Ses iris écarlates ne lui inspiraient pas confiance. D'ailleurs, elle soupçonnait dès le début qu'il était un démon, bien qu'il avait l'air maladroit au début. Avec son charme humanoïde et ses beaux traits fins, il était difficile pour Nephthys de penser une telle chose de lui. Une créature morbide. Il n'avait pas non plus l'air d'un prince charmant, au contraire, mais...

« Je suis un ange. Oui, je suis née à Adiryl. Nephthys Seoc. Un oracle. »

Elle levait les yeux vers lui, les sourcils légèrement froncés. Qu'avait-elle fait ? Qui avait-elle sauvé ? Ne serait-ce pas là devant elle sa plus grosse erreur de sa vie ? Son coeur d'artichaut l'avait-elle trahit ?

« Vous, qui êtes-vous ? »

Pourquoi diable n'avait-elle pas prononcé ces autres petits mots avant ?! Un frisson parcourut son échine, elle ne sentait rien bon, maintenant. Elle avait mit les pieds en plein dans la misère.

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Le peu de doutes que Dassyldroth avait concernant l'identité de sa sauveuse s'était maintenant envolé. Oh, quelle ironie, c'était un ange. De toute évidence, elle commençait à regretter son acte de bonté, à en juger les frissons qui parcouraient son corps. Elle commençait même à avoir la chair de poule. Le Seigneur le voyait. Plus encore, il le sentait. Elle avait l'air étrangement humaine, pour une engeance d'Adyril.

Satisfait de la réponse de l'ange, Dassyldroth s'avança lentement vers elle, qui était assise sur une souche d'arbre. A chacun de ses pas, il voyait la pupille de son nouveau jouet grossir, trahissant ses sentiments. Elle essayait de le cacher, mais elle était angoissée, et à raison. Elle devait maintenant se douter qu'elle avait secouru un démon, mais savait-elle au moins lequel? Le plus drôle ne s'était pas encore produit que pour la première fois depuis des années, Dassyldroth s'amusait. Il avait oublié à quel point il était grisant de tenir le sort d'un être vivant dans le creux de sa main.

" Je suis bel et bien un démon. Je suis le détenteur de la Couronne de Domination, faisant de moi le légitime et incontesté Maître du Vein, le Seigneur des Démons. Mon nom est Dassyldroth Ars. "

Désormais, Dassyldroth toisait Nephthys, et l'enveloppait dans l'ombre de sa silhouette. Il était si proche de l'ange qu'il sentait sa peu, quel doux fumet. Elle qui ne s'était toujours pas levée, elle devait en être incapable. Si l'on racontait à qui voulait l'entendre que la peur donnait des ailes, la vérité voulait qu'elle était plutôt du genre à clouer les gens sur place. Le Seigneur des Démons se mit à se lécher brièvement les lèvres, comme pour se mettre en appétit pour ce qui allait venir.

" Petit ange, tu me plais, mais tente de fuir et je t'étripes. Ca m'ennuierait."

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Un battement de paupière, puis tout s'éclaircit. L'ange replaça le tout dans les bons fils. Le démon, ses yeux rouges, les réactions de ses parents. La petite femme ne quittait pas des yeux le démon, la bouche entre-ouverte de stupéfaction. Le corps qui refusait d'obéir, son sang qui se glaçait au fur et à mesure que le démon s'approchait, et pas n'importe quel démon...

Un simple mouvement de la part de l'étrange individu nommé Ars et la petite femme couvrit son visage de ses bras. Tentant maladroitement de quitter son siège, elle bascula en arrière et tomba de plein fouet, les mollets encore appuyés contre la souche. Elle haletait, le souffle court, le coeur battant à tord. Sûre et certaine de mourir, de souffrir, de subir les pires châtiments du monde. Qu'était-il capable de faire ? La battre à mort ? Lui arracher de petits morceaux de peau jusqu'à ce qu'elle en meurt ? La violer ? Sa peur lui valut deux petites larmes qui perlèrent au coin de ses yeux. Aussitôt, elle se tourna pour se redresser, perdant pied par la maladresse, l'angoisse.

Ce n'était plus lui le maladroit, inoffensif, la petite proie facile, c'était elle. Quelle ironie, dire qu'au tout début, le scénario était forgé d'images les plus contradictoires au monde. Maintenant, elle était au sol et lui droit debout devant elle, comme elle l'avait été il y a peu.

Nepthys avait tenté de dégainer l'une de ses dagues, mais elle tremblait tellement qu'elle en échappa son arme, se tournant vers le démon, qui ne se lassait pas de la regarder ainsi, de se rapprocher, de l'intimider. Elle s'assit, se recroquevilla sur elle-même et... Sanglota.

« Me... Me faites pas de mal... Je veux pas mourir. » Suppliait-elle d'une voix cassée, pâle. Exprimant même un petit hoquet de panique.

Bien qu'elle aurait souhaité gardé son sang froid, c'était peine perdu, les larmes jaillissaient et coulaient à flot. Elle pensait à sa famille qui l'avait avertie, son entourage, leur réaction lorsqu'ils la retrouveront morte, froide, étendue dans une clairière.

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Réaction des plus prévisibles-et des plus logiques, le petit ange était maintenant terrorisé par ce pauvre bougre à l'humeur souillée par des relents de Skooma. Elle faisait peine à voir, mais Dassyldroth était décidé à consacrer les prochaines minutes à une toute autre émotion, la satisfaction. Il ne s'était pour ainsi dire jamais prêté au jeu des impostures, il n'en avait pas eu besoin. Quelque part, cette fois-ci ne comptait pas puisqu'il n'avait pas réellement eu l'occasion de se présenter avant de voir un quelconque intérêt à la situation dans laquelle il était. Peut être était-ce là le charme de l'histoire? Une chose était sûre, le petit bout de séraphin n'était pas du même avis. Contre son gré, elle était devenue la partenaire de jeu d'un être démoniaque qui se plaisait à voir s'inverser les rôles. Bien que la reconnaissance n'eut jamais fait partie de ses valeurs, il ressentait avec cette fragile petite âme une certaine gratitude, maintenant que ses souvenirs étaient plus clairs. Elle l'avait réveillé et ranimée alors qu'il était occupé à souffrir d'un Skooma de mauvaise qualité. Autant ne pas la tuer de suite.

" Te faire du mal? Je ne le ferai pas, bien que ton petit corps frêle et immaculé me donne l'envie de te faire tomber dans le Vein pour t'y arracher ces habits et t'enlever ta jolie petite vertu avant de passer aux choses sérieuses. Non, ça, ce n'est pas pour tout de suite. "

Le Seigneur Démon se pencha sur le corps prostré de cette beauté blonde qui, entre deux gémissements de terreur, le suppliait de ne pas lui causer de tort. C'était mal le connaître. Avec sa main gauche il lui saisit le poignet et dévoila un visage noyé par les larmes. Cette manifestation de la peur avait le don de l'énerver au plus haut point, une chance pour Nephthys qu'il s'était débarrassé de sa migraine avant qu'elle ne se mette à sangloter, il l'aurait probablement décapitée. Une chance aussi pour elle qu'elle avait une peau douce comme la soie, capable de compenser cet horrible visage trempé. Plus ou moins doucement, il la tira par le bras de sorte à ce qu'elle se relève, et lorsque c'était chose faite, il relâcha son poignet.

" Petit ange, si tu veux vivre, tu me suivras. Je prends régulièrement du Skooma, et je connais des contre-poisons à base de plantes. Je te les enseignerai, et tu t'assureras que mes délires ne durent pas trop longtemps, lorsque je ne serai pas capable de m'en défaire. Petit ange, si tu veux vivre, tu mettras ta vie entre mes mains, et j'en disposerai comme je l'entends. Obéis-moi correctement et tu vivras heureuse, personne ne te fera quoi que ce soit. Ange, démon, humain, dragon, centaure, si tu me satisfaits, rien ne pourras te faire de mal. Maintenant, du calme."

Fleur Anesthésique ________________ ________________

Elle se raidit lorsqu'il lui agrippa le poignet, se relevant lourdement puisque ses jambes étaient molles. Un nouveau gémissement sortit d'entre ses lèvres, tandis qu'elle séchait ses larmes le temps de son discours. L'ange tremblotait, bien sûr qu'elle était angoissée, avec ce qu'elle venait de vivre, c'est normal. Ce que venait de mentionné le démon la rassura, mais l'inquiéta autant. Mettre sa vie entre les mains d'un inconnu ? Obéir à... Tout ce qu'il souhaitait ? C'est-à-dire ? Non en fait, elle préférait ne pas savoir.

Son coeur fit un bond. Aller au Vein ? Subir quelque chose d'aussi désagréable, quoiqu'elle n'avait aucune conscience de ce que c'était. Certes, elle savait d'avance qu'elle n'aimerait pas ça. Par contre, l'oracle n'avait pas d'autre choix. La pauvre jeune femme s'était emprisonnée dans sa propre cage pour un acte de bonté. Un frisson de peur la traversa, le Vein, tous ces diables, ces créatures. Elle avait du mal à s'imaginer, dans les pires conditions, au milieu de cette foule, dépouillée d'intimité. Enfin, ce n'était peut-être pas ça, mais tout de même...

Figée là, pieds plantés dans la terre froide, elle regardait avec peur le grand homme, ses yeux ronds et clairs sous la lumière. Son coeur battait à tout rompre. Elle ne devait dire que deux petits mots pour avoir la protection éternelle, du moins sous conditions. Toutefois, ça lui prit une bonne dizaine de minute pour prononcer ses mots.

« D'accord. »

Elle entre ouvrit la bouche, fit mine de dire quelque chose, mais rien ne sortit. Elle s'était condamnée.

« Je vous suivrai partout et vous obéirai. »

Non, elle n'allait pas l'appeler maître, ou quelque chose d'aussi stupide. Elle en avait ajouté pour être sûre de ne pas avoir la tête tranchée. Elle avait peur, de la sueur perlait sur son front, elle frémissait d'horreur. Elle en avait la nausée et la gorge sèche. Tant de questions se bousculaient dans son petit crâne, mais elle n'osait rien demander de plus au risque de voir sa tête tomber.

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Accorder la vie sauve, pis encore, des privilèges à un ange? Voilà une bien loufoque lubie de la part du Seigneur des Démons. Ce n'était pas son genre de discuter, mais quelque part, la compagnie de cette petite blonde candide devait réellement lui plaire. En temps normal, les interactions qu'il avait avec les anges étaient assez limitée, allant de la brève exécution à la lente et douloureuse mise à mort au terme d'une séance qui passerait tout aussi longuement qu'une éternité pour le principal intéressé. De même, en temps normal, les interactions qu'il avait avec la gent féminine étaient elles aussi très limitées, et correspondaient à l'assouvissement de bas instincts dans un contexte plus ou moins glauque, allant du trophée de guerre à la demande pure et dure -demande qui ne permettait pas toujours une réponse négative. Cette fois-ci les choses étaient différentes, et Dassyldroth n'était pas spécialement porté sur la torture mentale. Il existait sans doute des êtres mieux placés que lui pour représenter les Démons dans l'Univers.

Mieux placés, peut être, mais pas plus forts. Dassyldroth, lui, est le plus fort. Alors pourquoi avoir peur de cette petite chose fragile qui s'était maintenant prosternée devant lui alors qu'il n'en avait même pas émis e souhait? Belle comme l'aurore de surcroit, Nephthys allait être le centre d'intérêt du Seigneur pendant un certain temps, en bien comme en mal.

" Bien, tu m'appartiens maintenant. Petit ange, tu tâcheras aussi de me calmer dès que possible, de me divertir aussi. De grandes choses vont arriver prochainement, et je ne dois pas brûler les étapes. "

Oui, de grandes choses se planifiaient. Le monde allait connaître un changement sans précédent. Ce que Dassyldroth avait tenté il y a des siècles de cela, il était maintenant convaincu que dans peu de temps, il allait tenter sa chance à nouveau, et cette fois-ci, faire s'accomplir sa volonté. La dernière fois, il n'avait pas d'ange à ses côtés pour préserver ses forces. Il lui fallait de la concentration. Peut être même allait-elle se plaire à ses côtés, et coopérer volontairement, en oubliant qu'elle n'est désormais rien sans lui.

" Autre chose. Tu as le droit de prendre la parole, mais fais attention petit ange, sois claire et précise. Maintenant partons, j'ai faim."

Fleur Anesthésique ________________ ________________

SUITE

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