Voila plusieurs jours que je marchais sans savoir où j'allais dans le Vein. J'étais affaiblie, j'avais rudement une dalle incontestable, et j'étais surtout très déshydratée. Néanmoins, quelque chose me poussait à ne pas m'arrêter. C'était sans doute la curieuse envie de découvrir les environs, mais aussi de peut-être rencontrer quelqu'un qui pouvait m'aider. Je ne savais guère grand chose du monde dans lequel je me trouvais, mais il est était très oppressant, et ne me donnait aucune envie de rester sur le même lieu très longtemps. Tout en marchant, je sentais mon estomac me hurler dessus. S'il aurait pu sortir de mon ventre, il m'aurait bouffé entièrement y compris mes os, j'en suis certaine. Alors que je marchais, je n'avais qu'un horizon qui me semblait lointain et presque impossible à atteindre. Oui, cet effet de marcher sur place m'était vraiment insupportable. Je ne marchais pas sur place, mais simplement la même scène qui défilait sous mes pieds et aux alentours. Pas un arbre, pas un buisson, pas une plante, pas une herbe. Rien. Simplement une terre rougeâtre sur laquelle je posais mes bottes l'une après l'autre. Il n'y avait pas une minuscule brise qui aurait pu me rafraichir, parce que j'avais horriblement chaud. De légères perles de sueur perlaient le long de mon front mais aussi de mes bras. En plus de cela, plus j'avançais, et plus l'espoir de rencontrer quelqu'un ou quelque chose s'amoindrissait. J'avais attéri bien bas, et cette phrase était à prendre dans tous les sens possibles et imaginables du terme. Au bout d'heures interminables à marcher avec une mine complètement effarée et des yeux explosés à cause de la fatigue, j'aperçus quelque chose qui semblait être un semblant d'arbre. Afin de ne pas gaspiller de mon énergie, je gardais la même allure ou je ralentissais presque. Plus j'avançais, et plus je voyais un arbre, suivi d'un second, d'un troisième, et d'un coup un très grand nombres d'arbres de différentes hauteurs.

J'étais enfin arrivée près d'un endroit qui me semblait légèrement plus accueillant que précédemment. Au début je n'avais pas prêté attention, mais un lac trônait en face de ce grand nombre d'arbres. Comme j'avais ultra soif, je me penchais pour regarder l'eau afin de voir si celle-ci avait l'air à peu près potable mais en voyant sa couleur sombre, j'y renonçais aussitôt. Tout de même par pure curiosité, je vins faire tremper mon index dans l'eau afin de connaître sa température. Un frisson me parcouru presque aussitôt et je retirais mon doigt immédiatement. L'eau était sacrément froide, bon sang ! J'essuyais mon doigt sur ma robe et je m'adossais contre l'arbre le plus proche, afin d'essayer de m'assoupir ne serait que quelques instants. Je venais de fermer les yeux, et d'un coup j'entendis un bruit étrange. Je rouvris alors mes yeux dans un sursaut et je regardais en direction de l'eau. Je vis quelques bulles apparaitre à la surface de l'eau et non loin du bord. J'utilisais ma vue perçante pour regarder ce qui se cachait sous l'eau. Comme je n'avais plus beaucoup d'énergie, je ne vis qu'une grande chose noire. Sentant le danger bien trop proche, je me redressais alors et je vis une sorte de gigantesque serpent sortir un quart de son corps ainsi que sa tête hors de l'eau. Il ouvrit sa bouche et je pus apercevoir simplement du vide à l'intérieur. J'allais pour faire un pas sur le côté et ce serpent me cracha de l'eau violemment. J'eus tout juste le temps d'esquiver et d'attraper mon arc que le serpent me toucha cette fois-ci. Je valsais à quelques mètres plus loin, lâchant mon arc. Une fois à terre, je regardais autour de moi afin de savoir où étais parti mon arc et je rampais jusqu'à lui. Mes forces commençaient à quitter un par un mes membres.

Cela faisait quelques jours que ma rencontre avec ce méprisable démon pyromane avait eu lieu. J'étais également parvenu à obtenir les informations que je souhaitais de la part de mon vieil "ami" aussi j'avais décidé d'explorer un peu le Vein. Mes pas me menèrent jusque sur les berges du gigantesques lac des âmes perdues, où pullulaient algues étrangleuses, roseaux buveurs de sangs et nénuphars anthropophages. Ah la nature était si belle... Je prélevais quelques échantillons de cette végétation inédite, qui avait du naître sans la moindre raison quelques jours plus tôt, dans le but de réaliser quelques expériences ultérieures. C'est alors que, du coin de l’œil, je vis que l'un des habitants du lac était réveillé... et affamé. Je n'accordais que peu d'intérêt pour ce genre de faune. Peut-être répondait-il à l'appellation de démon, mais à mes yeux une telle créature n'était rien de plus qu'un animal. Quand je vis la raison de l'agitation de la bête, je marquai un temps d'hésitation. Elle n'appartenait pas à ce monde... Elle venait de plus haut. Feleth, ou encore au-dessus ? Hm... Ma curiosité était piquée. Ainsi je n'avais d'autre choix que de sauver ce petit être, afin de trouver réponse aux nombreuses questions qui venaient de germer en moi. D'un pas rapide mais serein, je couvris la distance qui me séparait de la zone du combat et vit la jeune femme recevoir un jet d'eau sous pression de plein fouet, la projetant plusieurs mètres en arrière, où elle se cogna brutalement contre un arbre. Pauvre arbre qui n'avait rien demandé. Quelque peu sonnée, elle se mit à ramper à la rechercher de son arme lâchée dans sa chute. Mais la monstrueuse anguille se préparait à nouveau à cracher... Je frappais le sol du pied, insufflant ma magie dans cette terre meuble, la propageant jusque sous le corps frêle de la petite humaine, et érigea un mur de boue séchée entre elle et le prédateur amphibie. Le jet frappa de plein fouet le bouclier magique que j'avais érigé, le faisant trembler avant de le faire se liquéfier. Au moins l'étrangère n'avait rien. Je lui adressai un sourire mystérieux avant de demander, sur un ton à la fois curieux et suffisant :

- Dis moi petit être, quel âge as-tu ?

L'habitant du lac poussa un feulement de rage et entreprit de quitter le confort des eaux glacées, dans une gerbe d'éclaboussures... La monstrueuse anguille mesurait bien une vingtaine de mètres de long. Son corps lisse semblait visqueux et froid, et il luisait d'un éclat tout à fait répugnant. Sa petite tête, semblable à celle d'un serpent, arborait des mâchoires garnies de milliers de petits crocs tranchants comme des dagues. Ses mouvements étaient lents, menaçants. Le bruit de succion que faisaient ses mains à chaque pas en aurait fait vomir plus d'un, et il me semblait que le visage de la petite humaine était bien pâle. Oui des mains. En guise de membres, la monstrueuse anguille disposait de larges bras humains, décharnés, recouvert de la même peau blanchâtre visqueuse, palmées au niveau des doigts. De grosses ventouses étaient visible au creux des paumes, mais également tout le long des avant-bras... Je ne pus réprimer un léger sourire. J'avais oublié qu'il ne fallait jamais sous-estimer la faune du Vein. La chose rampait désormais sur le sable, son corps serpentin traîné par des dizaines de bras. Alors il se propulsa sur nous, mâchoires grandes ouvertes. Sa vitesse était largement supérieure à ce que j'avais estimé, et je n'esquiva les crocs que par chance. Mais l'anguille passa si proche de moi, que je pus voir que ses écailles étaient recouvertes d'un épais fluide, qui lui permettait de glisser aisément sur n'importe quel surface.

J'avais réussi à attraper de justesse mon arc et lorsque je me suis retournée, je vis la créature prête à m'envoyer de nouveau un puissant jet d'eau. D'un seul coup, une sorte de mur de terre ou je ne sais de quelle matière apparu devant moi, me faisant ainsi office de bouclier. Même si j'étais un peu sonnée, j'arrivais très bien à distinguer ce qu'il se passait autour de moi. Je réussi à me relever en peut-être en quelques minutes, cherchant du regard qui aurait pu faire un telle chose. C'est alors qu'une voix masculine parvint jusqu'à mes oreilles et je trouvais finalement son hôte. Essoufflée, je regardais l'homme en fronçant mes sourcils. Comment pouvait-il me poser cette question alors que j'étais en plein combat enfin... j'essayais de m'en sortir, surtout. Néanmoins, j'eus le temps de rapidement détailler cette personne. Si elle m'était venue en aide, elle devait être une bonne personne, ou du moins ce que je pensais.

- Et vous, qui êtes vous pour me demander mon âge alors que j'essaie d'affronter ce... cette chose ! [...] Et merci de m'avoir protégée.

Je regardais moi aussi cette chose étrange et elle était à la fois dégoutante et effrayante. Je n'avais jamais vu une telle créature, et je ne pouvais pas vraiment la décrire, puisque je n'avais jamais rencontré une telle bête. Elle me donnait presque envie de gerber mes tripes, à vrai dire. Je n'ai jamais vu un truc aussi dégueulasse et impressionnante à la fois. En plus de ça, des bras humains sortaient de la bête. Attendez, mais j'ai attérit où la, sérieusement ? Mon père ne m'avait jamais dit qu'il y avait ce genre de choses ici. Et surtout, que me voulait-elle ? Je ne savais pas.
Alors que je ne m'y attendais pas, je vis le monstre sortir de l'eau et venir en notre direction. J'esquivais tout comme l'homme, l'attaque de ce montre. J'essayais de me mettre suffisamment loin d'elle pour prendre le temps de viser et de tirer. Mais après une flèche tirée, celle-ci glissa sur la peau de la bête avant de s'écraser plus loin. Je venais de briser une flèche pour rien, et j'allais avoir du mal à retrouver les mêmes matériaux pour en fabriquer de nouvelles. J'allais donc devoir économiser au maximum et être très stratégique.

- Merde..! Essaie de faire diversion le temps que je trouve son point faible, à moins que tu le connaisses.

Je regardais cet homme un peu étrange, mais à nous deux nous pourrions peut-être en venir à bout de cette bête, ou au moins l'envoyer balader dans son lac. Ou du moins, je l'espérais.

Non je ne le connaissais pas. Alors que je jaugeais du regard la créature, je me demandais pourquoi j'aidais ce petit bout de femme. Mais avais-je réellement besoin d'une bonne raison ? Le passé m'avait montré que tout être en ce monde avait une utilité... Certains dans la vie, d'autre dans la mort. Cette insolente ne m'avait pas encore dévoilé son âge, une chance pour elle que je sois d'humeur généreuse, sans quoi elle aurait à affronter cette immonde bête toute seule.

- Merde..! Essaie de faire diversion le temps que je trouve son point faible, à moins que tu le connaisses.

L'attaque de l'archère avait glissé le long des écailles gluantes de l'anguille, avait de s'écraser au long. J'eu beau chercher, il ne semblait pas y avoir d'endroit vulnérable. La jeune femme se mit à se déplacer rapidement en cercle tout autour de notre proie, ses yeux aiguisés à la recherche d'un point de faible apparent. Cette dernière tenta bien de la happer entre ses mâchoires puissantes, mais elle reçut pour punition un gros bloc de boue séchée en plein sur le crâne. Avec un épouvantable cri, l'anguille difforme se retourna vers moi et, avec ses nombreux bras, propulsa son massif corps dans ma direction. Je me précipitais sur ma gauche, évitant les crocs de la créature... qui parvint tout de même à me heurter avec sa queue, me projetant violemment contre un arbre. Tout être normalement constitué aurait vu ses os broyées en poudre fine par la puissance de l'impact. Mais dans mon corps ne se trouvait plus le moindre os. Tout au plus je sentis quelques branches se briser en mon sein, mais elles étaient aussitôt régénérées. J'eu à peine le temps de me relever que la chose était déjà sur moi... Au moment où sa gueule allait se refermer sur moi, je fis pousser un arbre au large tronc, dont le bois et l'écorce se firent aussitôt déchiquetées. Mais ces quelques secondes de répit m'avait permis de reprendre un peu de distance avec la créature, qui perdit quelques précieux instants à me chercher. Visiblement j'avais réussi à la faire entrer dans une rage folle. Je canalisai toute ma magie dans mes mains et les plaqua sur le sol fertile, y insufflant toute ma magie de vie. L'anguille cracha un puissant jet d'eau, mais elle me manqua d'un bon mètre. Car des vignes et des lianes, épaisses d'une bonne vingtaine de centimètres venaient de pousser hors de terre, la plaquant au sol. Ligotée et immobilisée, la chose n'avait plus d'autre choix que de hurler et de cracher. Mais déjà les liens végétaux se desserraient, devant la force physique de cet habitant du Vein.

- J'espère que tu as trouvé un point faible.

J'étais en train de courir un peu partout, en cercle, essayant de scruter un endroit un peu plus sensible que les autres. C'était difficile de trouver une faille ou un quelconque écart venant de cette grosse bestiole, de part de sa taille très imposante, de sa rapidité à nous attaquer mais aussi de part à son côté "inconnu". A ce que je pouvais en déduire et observer, cet homme ici-présent ne connaissait pas non plus cette chose présente devant nous. Si j'avais bien compris, nos vies étaient entre mes mains et entre mes flèches. Comme j'en possédais en quantité limité, je devais en garder suffisamment pour le futur, si j'arrivais en m'en sortir.
Un cri perçant, voila ce que j'entendis. Pour une fois, j'aurai aimé ne pas posséder d'oreille afin de ne pas me les faire percer ainsi. A vrai dire, je crus même que, dès lorsqu'elle arrêta de crier, j'eus perdu l'usage de l'ouïe. J'ai même eu la courte impression de sentir quelque chose couler hors de mes oreilles, mais je n'y prêtais pas attention, car cela n'était pas plus important que nos deux vies en jeu.
C'est alors que cette gigantesque proie vint planter ses crocs sur moi mais je réussis à les esquiver de justesse, m'écartant de nouveau comme je pus. Je n'avais plus beaucoup de forces et mes jambes se mirent à trembloter un peu. C'était pas le moment que ça arrive ! Je vis quelques secondes après que la bête vint s'attaquer ensuite à cet homme un peu étrange, ma foi. Je le regardais s'en prendre à cet animal et il l'avait mis encore plus en rogne. C'était malin, ça. Cette chose allait vouloir nous bouffer encore plus rapidement, déjà que j'étais bien affaiblie. D'un seul coup, je vis des sortes de végétaux sortir de cette terre si rouge et aride, avant de venir entourer la créature et d'essayer de l'immobiliser. C'était quoi, ça ? Des plantes qui sortent comme ça de la terre ? Jamais vu ! En observant bien, je vis les mains de cet inconnu posées au sol. De la magie, sans doute.

- J'espère que tu as trouvé un point faible.

La créature était immobilisée grâce aux végétaux, mais celle-ci se débattait comme elle pouvait, avec ses multiples bras qui gigotaient dans tous les sens, et les lianes se desserrant petit à petit. Je m'approchais alors avec suffisamment de vivacité. Mon arc en main, j'attrapais donc une flèche que je mis sur ma corde avant de la tendre, visant donc avec précision sur ce qui ressemblait être la tête de l'animal. Un oeil clos et l'autre ouvert, je visais comme je pus, malgré cette chose qui ne cessait de gesticuler.

- Oui, je crois ! Faut espérer que ce soit le bon.

Je visais donc l'un des deux yeux de cette bête. Il était blanc avec la pupille noire, globuleux, et suffisamment gros pour qu'une flèche vienne transpercer l’œil. C'est donc au bout de quelques secondes de grande concentration que je visais cet œil, avant de tirer avec force sur la corde, puis de la relâcher. La flèche s'envola aussitôt avant de venir transpercer l’œil de cette bête. Une sorte de liquide noir gicla et la bête hurla de nouveau.

La flèche fusa en sifflant, avant de s'enfoncer avec un bruit mat dans l’œil de la créature. Un ichor gluant en jaillit, à gros bouillant. L'immonde créature poussait des cris atroces en se débattant furieusement. La force que lui conférait ce soudain accès de rage l'aida à se défaire des lianes qui l'entravaient.  Comme folle, elle se mit à glisser dans ma direction, mâchoires grandes ouvertes. Dans son sillage, elle laissait de larges flaques de sang noir... Je manipula la boue dans laquelle je pataugeais, pour en remplir la gueule de la créature qui se mit soudainement à tousser avant de vomir toute la vase qu'elle venait d'ingurgiter de force. Pendant ce temps, l'archère qui me servait d'allié avait eu le temps de contourner la chose, pour lui décocher une nouvelle flèche, mais dans l'autre oeil cette fois. Nouveau concert de hurlements. La créature désormais aveugle se mit à convulser violemment attaquant au hasard. Elle faisait peine à voir. J'invoquais une dernière fois ma magie de vie pour donner naissance à un étrange bulbe, de la taille d'un poing. Je le recouvrais de boue, avant de le projeter dans le gosier de la chose qui ne cessait de hurler de colère et de douleur.
Sa mort allait être lente. Cette plante parasite allait lentement le tuer pour prendre le contrôle de son corps... Avec un peu de chance je pourrais finalement transformer cette immonde être en un puissant allié... L'anguille essayait vainement de retourner vers le lac, mais complètement perdue elle fonçait vers les arbres. A chaque fois qu'elle s'approchait du lac, une salve de flèches allaient se planter à l'intérieur de sa bouche. Quelques minutes plus tard, la chose était étendue au sol et respirait faiblement. Tel un cancer, le bulbe qu'elle avait avalé se développait petit à petit en s'attaquant directement à son système sanguin. Je m'approchai de la jeune fille doucement :

- Seul son cadavre m'intéresse, et je sais bien qu'elle est de toute façon condamnée... Vois-tu je suis patient. Libre à toi de l'achever proprement ou de la laisser agoniser de la sorte.

Lorsque la bête hurla de nouveau, je vins instantanément plaquer mes mains sur mes deux oreilles afin d'atténuer ce bruit si strident. Je voulais que cette chose se taise une bonne fois pour toute, parce qu'à la fin je n'allais plus pouvoir entendre quoi que ce soit. En plus d'hurler, elle bougeait dans tous les sens et se remit à foncer en direction de l'homme ici-présent. Sur son passage, des flaques noires jaillissaient de son œil que j'avais si joliment percé. C'est alors que je vis mon nouvel allié faire ingurgiter de force de la boue dans la gueule de ce monstre, je décidais de contourner cette bête le temps qu'elle n'hurlait pas, avant de mettre en position, de m'armer d'une flèche, puis de tirer, mais cette fois-ci dans son autre orbite gluant. D'autres hurlements se firent entendre, et je bouchais de nouveau mes oreilles, grimaçant de douleur tellement le son strident m'était insupportable.
Désormais aveugle, la bête gesticulait dans tous les sens, hurlant sans arrêt. J'avais pris énormément de recul et je regardais mon compatriote par moment. Il lui fit de nouveau ingurgiter pas mal de boue, ce qui fit de nouveau vomir cette grosse bête. Lorsqu'il la faisait ingurgiter de la boue, les bruits de l'anguille s'amoindrissaient; c'était un grand bonheur pour mes tympans, même si cela ne durait que quelques instants. Je ne sais trop où elle souhaitait aller, mais cette bestiole fonçait à chaque fois dans les arbres, ce qui me fit rire par moment. Elle voulait sans doute retourner dans son milieu primaire, mais elle ne retrouvait plus le chemin. Au bout de quelques minutes, sans doute, elle finit par cesser de bouger et s'étendre sur le sol. Ses cris finissent par cesser, elle la bête fut comme morte. Alors que je regardais la bête, stupéfaite de ce changement si soudain, l'homme vint vers moi et je portais mon attention vers lui.

- Seul son cadavre m'intéresse, et je sais bien qu'elle est de toute façon condamnée... Vois-tu je suis patient. Libre à toi de l'achever proprement ou de la laisser agoniser de la sorte.

Je hochais alors la tête à ses dires, et, au bout de quelques secondes de réflexion, je pris alors une flèche et on arc.

- Je préfère l'achever sur le champ. Ses cris m'ont suffisamment crevés les tympans pour que je la laisse vivre.

Je mis la flèche dans l'arc et je tendis la corde. Je visais alors un point vital de cette chose et tirait de toutes mes forces sur la corde, avant de laisser la flèche partir et se loger à l'intérieur de la chose. Aussitôt, la bête ne bougea plus. Puis, je me tournais de nouveau vers l'homme.

- Merci beaucoup de m'avoir aidé. Au passage, j'ai 70 ans.

- 70 ans... Que fait une si jeune âme dans un endroit si horrible ?

Elle était trop jeune pour m'intéresser... Mais au moins elle n'était pas humaine. Voilà un point qui intercédait en sa faveur. Je la toisai une nouvelle fois, en silence. Mon visage impénétrable finit toutefois par se fendre d'un léger sourire et je fis apparaître une petite sphère aqueuse dans ma main gauche. A mes pieds un petit oranger poussa, donna naissance à de nombreux fruits. J'en cueillis un de la main droite avant de tendre nourriture et eau à la jeune femme.

- Peut-être avez vous faim et soif... Je peux vous assurer que vous ne trouverez pas d'eau plus pure ici, ni de nourriture aussi saine.

Comme pour prouver ma bonne foi, je prélevai moi aussi une orange sur l'arbre et l'épluchai avec de croquer dedans. Utiliser ma magie m'avait quelque peu fatigué, notamment quand j'avais du retenir la créature... Je m'assis à même le sol, m'adosser au tronc que j'avais fait apparaître un peu plus tôt. Si la forêt qui bordait le lac régénérait ma magie, j'avais pas mal couru et j'étais vraiment pas habitué à ce genre d'effort. Je proposai alors à la jeune femme de s'asseoir avant de lui demander son nom, après lui avoir décliné mon identité en bonne et due forme. Alors que nous bavardions, je regardais avec intérêt le cadavre du monstre que nous venions d'abattre. Lentement mais surement, ma plante parasite allait prendre le contrôle de son corps. Lentement mais surement cette créature allait devenir mienne... Je reviendrais la chercher le moment venu. Et maintenant, que faire ? Je tentai de lire une réponse dans les yeux de l'élue, sans grand succès.

L'homme que j'avais rencontré semblait étonné de mon si jeune âge et surtout du pourquoi j'étais venue ici. Enfin le mot "venue" n'est pas si bien employé, puisqu'il s'agit d'une venue accidentelle. C'est avec un petit sourire aux lèvres que je commençais à lui raconter les grandes lignes de la raison de cette venue dans ce monde obscure; à cause d'un certain père bien trop satanique, chose ironique pour un être d'Adiryl. Enfin bref.
Alors que je racontais un court passage de petite histoire, je vis l'homme faire sortir de cette terre rouge et aride, un oranger. Stupéfaite de cet acte si surprenant et rare, je m'arrêtais alors de parler pour admirer l'homme en plein travail. Mes yeux s'agrandirent et j'eus presque de petites étoiles dans les yeux, tant mon appétit se quintupla en vue de ces oranges qui me semblaient si appétissantes, si juteuses et délicieuses.

- Oh que oui ! Après tout ce que j'ai enduré depuis pas mal de temps, un peu de nourriture et d'eau ne serait pas de refus. Je vous en remercie infiniment !

J'adressais un grand sourire amical à l'homme, chose qui était très rare que je fasse face à un inconnu; mais il était en quelques sortes mon sauveur. Alors que j'étais prête à m'écrouler sur place et, après avoir pris l'orange que me tendis cet homme, je m'assis sur le sol avec vivacité. J'épluchais avec beaucoup de précipitation ce fruit si gros avant de me mettre à le déguster. Il était si... Délicieux. Je dégustais chacun des quartiers de cette orange, sentant mon énergie revenir en moi tout doucement. Que c'était si bon de se nourrir après cinq jours sans rien avaler, que ce soit de breuvage ou de nourriture ! Une fois mon orange terminée, je me redressais sur mes deux jambes afin d'attraper une seconde orange, puis de me poser sur le sol une nouvelle fois. Je recommençais alors les mêmes gestes que j'eus fait précédemment, dégustant de nouveau cette seconde orange que j'avais en main. Je regardais et écoutais mon confrère qui se présentait alors, et je fis de même, avec tout autant de politesse. Finalement, tout comme je le pensais, cet homme n'était point quelqu'un de méchant, puisqu'il m'avait aidé à combattre cet espèce de serpent et qu'en plus de cela, il me servit de la nourriture afin de reprendre des forces.
Une fois que je terminais ma seconde orange, je me tournais vers cette créature qui était complètement morte, avachie sur le sol. Des frissons m'envahir de part et d'autre de mon corps. Nous en avions enfin fini avec cette chose et mon corps pouvait enfin se reposer un peu. J'en profitais donc pour interloquer l'homme avec qui j'avais sympathiser.

- Dites moi, qu'allez-vous faire de cette chose ? Vous avez dit vous en servir, mais.. elle va servir à quoi, au juste ?

Je regardais l'homme assis en face de moi avec intérêt et curiosité. J'espérais avoir une réponse clair à ma question.

- D'ailleurs, pourrions-nous rester ici un peu ? Parce qu'un peu de repos ne nous ferait pas de mal, vous ne croyez pas ? Et puis si vous tenez vraiment à récupérer ce serpent, il va falloir attendre ici.

- A vrai dire je ne sais pas encore quoi faire de cette créature. Le champ des possibilités qui s'ouvre à moi est infini... Je pourrais en faire un gardien semi-végétal d'une puissance redoutable. Mais je pourrais aussi la libérer sur Feleth, et prendre des notes sur sa façon de chasser. Je pourrais aussi me servir de son cadavre comme d'un nid à maladies mortelles, ou comme engrais pour y faire pousser des fleurs maléfiques. Mes recherches n'ont pas vraiment de début, mais surtout elles n'ont aucune finalité. Je veux tout savoir, alors elles seront aussi longues que ma vie le sera. Elles seront éternelles.

Je ne pouvais pas donner de réponse plus précise... Ma science était aléatoire. A ma grande surprise, la jeune fille me proposa de se reposer un peu. Ici, dans le Vein ? Je ne pus réprimer un léger rire. Une idée aussi saugrenue ne pouvait venir que d'un être novice en la matière. Et bien pourquoi pas, il fallait bien qu'elle découvre à quel point ce monde pouvait être dément et horrifique. La créature que nous venions de terrasser n'était peut-être qu'un bébé, sa mère patientant tranquillement sous la surface... Ou peut-être que c'était le maître des lieux, et que nous étions ainsi en sécurité. Nous n'avions aucun moyen de savoir, c'était bien ça l'essence même du Vein. Le chaos, l'incompréhension, l'imprévisible. Je fis surgir du sol des piliers de terre nous encerclant, avant de donner naissance à un véritable dôme de racines, aussi solide que la pierre. Au moins ainsi nous étions un minimum protégés. Je sortis une petite fiole des replis de ma robe et vida le contenu dans ma gorge. Hum la sève de chêne avait décidément un goût exquis, pour peu qu'elle provienne de quelques vieil arbre. Sans ça, je risquais de perdre le contrôle de toutes les plantes qui vivaient en moi, ce qui serait fort fâcheux. Surtout dans un endroit pareil... A travers les branches que j'avais créé, je jetai un coup d'oeil au corps de l'anguille. Cela serait long, mais la plante parasite qu'elle avait avalé allait prendre le contrôle de sa massive carcasse. Je n'avais plus qu'à espérer que celle-ci ne soit pas trop putréfié d'ici là.

- Je ne vais pas attendre ici jusqu'à ce que ce monstre soit finalement sous mon contrôle, il s'agit là d'un processus qui prend des semaines, voir des mois. Créer de la vie à partir de la mort n'est pas chose aisée, jeune créature. Je n'aurais aucun mal à retourner sur le monde du milieu vous savez... Peut-être pourrais-je vous aider à y retourner si vous le désirez. Mais si vous souhaitez rester dans ces lieux fous, je vous conseillerais de ne jamais rester trop longtemps au même endroit. Car ici tout change, et jamais en mieux.

J'écoutais attentivement l'homme parler, restant silencieuse. Je continuais de manger mes oranges, en prenant toujours une de plus, tant j'avais besoin d'énergie et tellement que mon estomac en réclamait toujours plus. Je n'ai jamais goûté d'oranges qui soient aussi bonnes que celles de cette étrange personne.
Alors qu'il répondait à ma question, je hochais par moment ma tête, essuyant le jus de l'orange qui dégoulinait le long de ma mâchoire, à l'aide de la paume de ma main. Je ne cessais d'observer l'homme avant de me tourner vers la bête qui était en train de "pourrir" sur place. J'eus en un instant comme une remontée de nourriture, partant de mon estomac et ne tardant pas à faire le chemin inverse dans mon corps. Je plaquais quelques centièmes de secondes après ma main sur ma bouche, me retournant vers l'homme. Je respirais un bon coup et mon envie de recracher mes tripes avait disparu. Je retirais ensuite ma main, respirant doucement, et essayant de ne pas repenser à cette vision de dégoût que je venais de voir. Je me remis à regarder l'homme, le voyant alors émettre un petit rire. Je me mis à froncer les sourcils, me demandant ce que je venais de dire de drôle. Mais, je pensais alors que cet homme qui était face à moi me trouvait bien naïve. Je gonflais alors un peu les joues, me remettant à penser. Je baissais ensuite mes yeux vers mes doigts qui étaient parfumés d'orange, et je les triturais doucement. Néanmoins, je vis des choses sortir de la terre non loin de moi, et je relevais mes yeux afin de voir ce que s'étaient. Je suivis alors ces choses et cela remontait jusqu'au dessus de nos têtes; nous étions enfermés à l'intérieur, davantage en sécurité. Je finis par rebaisser mes pupilles, avant de contempler  mon nouveau compagnon se mettre à boire quelque chose que je trouvais fort écœurant, de part sa couleur et son odeur que je ne trouvais point fort appétissante. Je n'avais toujours pas dit une seule parole, me contentant d'observer tout ce qu'il se passait autour de moi au moment même. Une fois qu'il bu son breuvage, il se remis à parler et je l'écoutais de nouveau. Lorsqu'il mentionna le nom de "Feleth", je ne perdis pas une seconde pour agrandir mes yeux pleins de stupéfactions, un grand sourire se formant sur mes croissants de chairs.

- Vraiment, vous pouvez le faire ? Dans ces cas là, si vous retourner sur Feleth, je vous accompagne pour un petit bout de chemin, si cela ne vous ennuie pas.

- Ce n'est point un soucis, prenez le temps de récupérer toutes vos forces. Je vais en profiter pour faire de même, car personne ne sait ce qui va nous arriver dans un futur proche.

Malgré que je mourrais d'impatience, je comprenais que cet homme ici-présent avait besoin de repos, surtout s'il avait besoin de créer peu après une faille qui pourrait nous faire nous échapper de cet endroit si obscure et beaucoup trop inconnu, pour le petit être que j'étais. C'est alors que, reportant mon attention sur cet être assis en face de moi, je le vis partir dans une sorte de méditation, enfin... ce que je pouvais en déduire. Afin de ne pas le déranger, je restais silencieuse, me remettant à observer la sorte de grosse carapace végétative autour de nous deux. Une grand silence régnait, n'entendant à peine que mon souffle. Je ne bougeais pas d'un pouce, me demandant si tu étais en train de dormir car ta position n'était pas vraiment propice à un tel acte.
C'est sans doute au bout d'une petite heure, ou peut-être un peu moins que, à cause de l'ennui et de ne rien faire, en plus du manque de forces, je finis par m'allonger en position fœtale, fermer mes paupières et ensuite m'assoupir, me sentant en sécurité à l'intérieur de ce cocon. Le repos, une chose qui m'avait fortement manqué depuis quelques jours. Ce repos permettait à tous mes membres de pouvoir récupérer toutes leur forces, ainsi qu'à mon esprit; il pouvait penser à rien, malgré les histoires oniriques que j'oublierai à mon réveil. C'est en pleine tranquillité et en plein sommeil que je fus interrompue et, pensant qu'un ennemi était là, je sortis ma dague en la pointant vers l'ennemi; mais ce n'était que mon nouvel ami. Je rangeais aussitôt la dague en m'excusant alors de l'avoir "menacé" puisque je pensais que c'était un ennemi. Je me rassis peu après, et je levais la tête vers notre cocon naturel, qui commençait à perdre toute vie puisque les racines prenaient une couleur ternes.

C'est alors que l'homme se redressa, puis je me décalais afin de laisser davantage de place. Rapidement, je pus apercevoir l'air, avant d'admirer le spectacle que fit mon ami. J'étais vraiment impressionnée, et j'en restais sans voix. Puis je me levais, regardant cette orbe sombre se former non loin de nous. Je compris rapidement que c'était en fait une faille, et j'allais pouvoir retourner sur Feleth. Je voulais à tout prix accomplir mon objectif : celui de retrouver Spark.

- Je vous remercie, mon ami. J'espère que nous arrivons dans un endroit beaucoup plus "vivant" qu'ici, n'est-ce pas ? A très vite, mon cher.

J'adressais un léger sourire à cet homme et je m'approchais alors de l'orbe. Au début, j'étais quelques peu réticente à l'idée de traverser, mais quelque chose me poussa à y aller. C'est alors que je pénétrais à l'intérieur de la faille, en espérant d'arriver saine et sauve sur Feleth.