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Le Spewd’Hermann
Nom : Spood
Prénom : Spewd’Hermann...Il fallait bien en choisir un.
Rang : Epouvantable épouvantail.
Âge : Dix ans et demi !
Sexe : Quoi ? J’imagine que je suis un homme épouvantail. C’est possible ça ?
Race : Démon commun
Classe : Druide
Métier : Épouvantail
Croyances : Je crois en l’amitié ! Enfin...J’aimerais croire en l’amitié...
Groupe : Solitaire, hélas.
Équipement :-
Perchoir porte-sac : Lors de mes voyages, je transporte la croix de bois qui me sert habituellement de perchoir et accroche au bout de celle-ci un gros sac de toile dans lequel je fourre mes quelques possessions...
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Mes quelques possessions : Un tas de papiers, de parchemins, de livres et autres vieilleries plus ou moins littéraires que j’ai récolté à force de malchance. (Bon, en réalité je les vole aux gens qui me fuient en laissant leurs affaires derrière-eux)
Matériel de taillage de citrouilles : J’ai une petite serpe que j’utilise pour tailler les citrouilles lorsque je m’ennuie.
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Costume d’épouvantail : J’aimerais franchement ne pas avoir à me cacher sous ce vieux manteau et ce sac à patate ridicule que j’utilise comme masque...Mais mon apparence véritable terrorise tout le monde. Mon costume me donne au moins l’espoir de passer pour un simple élément du décor. Un objet. Fait pour faire peur, certes. Mais parfaitement inoffensif.
J’ai tout essayé pour le rendre plus présentable ! J’ai même soigneusement taillé une bouche souriante à mon masque. Rien à faire, les gens fuient dès que je bouge. Ça doit être le chapeau. Tous les chapeaux de pailles devraient inspirer la crainte à cause des démangeaisons qu’ils causent.
Talents de combat physique : Je suis plus fort qu’un humain mais moins fort qu’un bucheron orc énervé ne voulant « pas de saloperies ensorcelées sur son lieu de travail ». Ouille. C’était vraiment une mauvaise expérience.
Talents de magie :
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Contrôle de la végétation : Bon, ça reste dans l’ordre du raisonnable hein, mais je peux naturellement prendre le contrôle de tout ce qui a des racines, des lianes ou des feuilles sans même avoir besoin de les toucher. Forcément, c’est bien plus simple quand je suis proche. Et ce pouvoir se limite globalement à ce qui se trouve dans mon champ de vision. Je peux aussi accélérer la croissance des végétaux, accentuer les démangeaisons des orties et rendre les cactus doux. Un jour, j’ai fait pousser un grand chêne. Vraiment super grand ! Ça m’a pris des jours pour le faire passer de jeune pousse à vraiment-super-grand et, finalement, quand j’y suis arrivé, les hommes du village d’à coté ont décrétés qu’il avait été touché par la sorcellerie et se sont dépêchés de lui mettre le feu. J’ai beaucoup pleuré.
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Extension : Comme je disais, je contrôle la végétation. Et je suis fais de végétation ! Alors je peux étendre certaines parties de mon corps (mes bras, principalement, que j’utilise comme grappin pour m’enfuir lorsqu’on commence à vouloir me faire flamber. C’est-à-dire lorsqu’on me voit.). Je peux donc grandir et rapetisser à l’envie...Mais ça me fatigue énormément si j’exagère un peu.
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Régénération : Tant qu’on ne m’a pas entièrement transformé en cendre, je peux me régénérer. Croyez-moi, je peux repartir de peu. On m’a déjà coupé la tête deux fois ! Ca fait mal mais elle repousse à peu près correctement en très peu de temps. Je ne peux pas me reconstruire à partir de rien...Enfin j’imagine. Et il faut juste qu’une petite partie de mon corps subsiste pour que tout repousse, d’où ma peur des flammes et de leurs propagations.
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Panique : Au départ je faisais n’importe quoi dès que les gens commençaient à crier. Maintenant je me transforme en buisson. Ca camoufle bien (mais ça troue les manteaux !) lorsqu’on est pris en chasse par des chasseurs de monstres. Sauf lorsqu’ils sont vieux avec des bagues d’argents. Eux, ils brûlent tous jusqu’à ce qu’on sorte de notre cachette.
Talents divers :Je me spécialise dans l’art du taillage de citrouilles. Ca occupe bien et c’est relaxant ! Quand je me sens seul, j’en fais pousser deux ou trois et je leur taille des visages avec de beaux sourires. Elles veillent sur moi quand je dors sur mon piquet.
Pouvoirs particuliers :
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Tou Spowqui : Lorsque je suis acculé, je peux libérer une vague de sensation de peur viscérale tout autour de moi. De ce que j’ai compris, ça a tendance à frapper assez fort pour faire ressortir les craintes les plus profondes de ceux qui sont touchés pendant plusieurs minutes. Les plus réceptifs tombent même dans les pommes ! J’évite le plus possible d’y avoir recours par contre, ça me fait mal de voir les gens pleurer.
Apparence physique : Oh non. On est vraiment obligé ? Bon.
Je suis une sorte de...Chose végétale. Techniquement, j’ai deux bras, deux jambes, comme n’importe quel être humain. Mais les ressemblances s’arrêtent là. Mon corps est constitué d’un entrelacement de racines, de branches et, de temps à autre, de mousse. Sur mon torse, que je tente de dissimuler le plus possible, il y a ce qui ressemble à des petits visages emprisonnés entre les ramures, figés dans des expressions de détresses horribles. A chaque fois que je les regarde trop longtemps, ils me font faire des cauchemars. Alors j’ai arrêté.
Ma propre face n’est pas mieux, remarque. Ma bouche semble être un gouffre sans fond, et elle reste entrouverte en toute circonstance malgré mes efforts. Rien ne pousse à l’intérieur. En plus de ne me servir strictement à rien puisque je ne mange pas, elle me fait passer pour une sorte d’ogre dévoreur d’enfant. J’ai fait pousser des branches devant, pour la cacher, mais ça ne marche pas vraiment, on la voit encore à travers. A la réflexion, je crois que c’est pire comme ça.
Je n’ai pas de nez, ni d’oreilles et mes yeux sont juste deux grands cercles vides d’où s’échappent une lumière blanc-bleue dont je cherche encore l’origine. Je me suis littéralement fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude, une fois, et je n’ai jamais rencontré la moindre résistance, la moindre matière solide, ce qui devrait être parfaitement impossible. Encore un truc inexplicable...
Ma « chevelure » de branche part dans tous les sens dès que j’enlève le sac à patate qui me sert de masque. J’en suis assez fier, puisqu’elle a quand même fière allure. On dirait presque une couronne, non ?
Les longues branches qui me servent de bras se terminent en pointes, ce qui n’aide pas forcément à faire bonne impression. En plus, elles percent tous mes gants. Vu que ces griffes continuent à pousser chaque semaine, je suis obligé de les tailler pour éviter de me retrouver avec des fourches en guise de doigts.
Mes jambes sont droites, sans genoux, mais tout de même parfaitement articulées. Mes pieds se terminent par deux sabots de racines solides.
Grotesque, hein ? Heureusement que j’ai mon déguisement.
Après avoir compris que l’être humain avait une tendance naturelle à la lâcheté –et donc attaquait moins souvent ce qui était plus haut que lui- j’ai décidé d’être grand. Alors, malgré le fait que je me sois vouté à force de dormir sur mon piquet, je dépasse d’une tête le plus grand des hommes. Hélas, ça ne dissuade que les individus seuls, pas les attroupements.
Caractère, personnalité : Je ne suis pas méchant. Je sais, ça paraît bizarre comme introduction, mais vraiment, je tiens à le préciser : Je ne suis pas méchant. Je n’ai jamais rien fais de mal ou même eu l’intention de nuire à quiconque. En fait, c’est même plutôt l’inverse. Dès que je peux, j’essaie d’aider. Avec l’assurance que cette aide finira fatalement par m’apporter des ennuis, j’aide. C’est terrible parce qu’en plus, malgré mes efforts, je lis vraiment très mal les expressions sur vos visages plein de...Peau et de rides. Je comprends pas grand chose alors je ne sais jamais d’avance si on va me crier dessus ou directement me jeter des torches. Donc, pas méchant. Plutôt l’inverse.
Ah, oui : Ma jeunesse ne signifie strictement rien. J’ai beau n’exister consciemment que depuis quelques années, j’ai un savoir que je qualifierais quand même de...Assez consistant. Je savais lire et parler à ma première respiration et j’ai une mémoire phénoménale !
J’ai pas mal de principes. La plupart d’entres-eux sont théoriques, puisque je manque de...Situations, où ces valeurs pourraient être appliquées. Par exemple, je crois dur comme fer que l’amitié est une chose merveilleuse et qu’un ami véritable mérite qu’on meure pour lui. Problème :
Je n’ai pas d’ami. Je suis donc tout à fait persuadé que l’amitié est une chose difficile à obtenir.
Je déteste l’injustice, aussi. Et ne pas comprendre. Lorsque je suis face à une situation incompréhensible, je plante mon piquet et m’y fixe pour observer son évolution jusqu’à pouvoir en tirer une conclusion, qu’importe le temps que ça prendra. Ce qui m’amène bien sûr à un autre trait, très important, de mon caractère : Ma patience. C’est peut-être mon passé d’ancien objet inanimé qui m’y rend si enclin, mais je suis excessivement patient. Je peux attendre, immobile des jours entiers, des semaines, voir des mois, sans me lasser. D’ailleurs, ça fait des années que j’attends de pouvoir parler avec quelqu’un et pourtant j’y crois encore.
Mes pérégrinations et mon manque de moyen m’ont rendu débrouillard et plutôt ouvert d’esprit et, contrairement à certains, je n’ai pas d’à-priori visant les mages, les ogres ou les orques. De toutes façons, jusqu’à preuve du contraire, ils réagissent tous exactement de la même manière en me voyant. Ah et, aussi, j’adore les histoires ! C’est mon dada, vraiment. Lorsqu’un voyageur me voit et se carapate en abandonnant ses affaires, je fouille (j’ai honte) à la recherche d’un livre, d’un carnet, de quelque chose qui se lit et je laisse le reste sur place. Je n’ai besoin de rien d’autre pour garder la forme !
Sinon je crois que je pourrais aussi être un poil bavard si on m’en donnait l’occasion. Mais ça reste purement théorique.
Histoire : A la nuit tombée, tu ne sortiras pas.
Tu resteras dans ton lit, bien à l’abri et au chaud. Les volets fermés, tu ne l’écouteras pas gratter le bois et tordre le blé. Tu prendras grand soin de souffler la flamme de tes bougies comme celle de ta cheminée, qu’importe ton état ou l’épaisseur des ténèbres. Et surtout, tu ne feras pas un bruit jusqu’au lever du jour. Pas un son pouvant attiser sa curiosité.
Ou l’épouvantail viendra te chercher. Tu sais ce que c’est ça ? Ma vie. Le résumé de ma vie entière : Une histoire pour faire peur aux enfants, basée sur un malentendu et, comble du bonheur, sur une bonne action de ma part. C’est EXACTEMENT pour ça que j’ai tant de mal à faire le premier pas avec les gens, ces temps-ci. J’appréhende trop la suite. J’attire trop souvent la haine et la peur, c’est une vraie malédiction.
Je ne suis pourtant pas si moche, si ?
Je plaisante l’ami, je sais bien que je suis cauchemardesque et terriblement laid, je me fais peur ! Même les insectes n’osent pas se poser sur moi. Je m’y suis fais, tu sais ? Au fait d’être condamné à être...Toujours...Tout seul.
Pardon, la saison me rend émotif. C’est le froid. Ou l’humidité. Ne fais pas cette tête ! Je ne souhaite pas te rendre triste, ça fait tellement du bien de pouvoir parler à quelqu’un d’autre que soi-même ! Tiens, j’ai une idée. Et si je te racontais une histoire ? C’est ce qui me tient en vie, les histoires !
Quoi ?
La m...La mi...La mienne ? Non, je ne pleure pas, c’est de la sève !
Tu veux entendre mon histoire alors ? Oh. Hé bien je...C’est à dire que...Je vais essayer de m’en rappeler. C’est qu’elle n’est pas très...Enfin, disons que je n’ai pas l’habitude de la raconter. Alors...Heu...Ca commence comme ça :
Je ne suis pas né. J’ai simplement et soudainement pris vie. Attaché à mon piquet, pieds et poings liés, la première émotion que j’ai ressentie ne pouvait être autre chose que la peur. Une vraie terreur, en fait, mêlée à la confusion de cette vie inexpliquée, de toutes ces choses, ces pensées, qui naissaient dans ma tête de bois qui aurait dû rester inanimée. Faible et perdu, j’ai mis plusieurs heures à me débarrasser des liens qui maintenaient étendus mes bras puis autant de temps à comprendre comment faire bouger mes mains sans me piquer.
J’ai tout de suite su marcher. Et j’ai tout de suite su que tout ça n’était pas naturel. Dans l’élan, j’ai aussi pris conscience que ce savoir n’était pas normal. Qu’on ne pouvait pas, en quelques minutes de vie, normalement, avoir un fil de pensée aussi ordonné et établi. Alors, une fois de plus, j’ai pris peur, et suis retourné sur mon piquet pour m’y reposer en espérant que ce n’était qu’une petite phase, qu’à mon réveil, et bien...Je n’aurais pas à me réveiller. Que je redeviendrais un épouvantail, simplement. Sans conscience ni vie.
Ca n’a pas marché. Et plusieurs jours d’immobilité plus tard, j’ai pris la décision d’en prendre une –de décision- et de bouger.
Mon piquet se trouvait au centre d’un champ de blé abandonné. Il n’y avait plus vraiment de blé, seulement quelques pousses sauvages, l’herbe avait tout recouvert. Le coin n’avait pas l’air très fréquenté, puisque les chemins n’étaient même plus visibles. A l’époque, je ne savais pas encore tiré ce type de conclusions et j’étais donc simplement parti sur l’idée que j’étais seul au monde –qui se résumait à ce champ que je ne quittais jamais et ses mystérieux alentours- ça ne me préoccupait pas encore spécialement, trop occupé que j’étais à simplement apprendre et comprendre la mobilité. Dans mon champ, je suis resté...Des jours ? Des semaines ? La notion du temps, pour un ancien objet inanimé, est vraiment très obscure et le fait d’être persuadé que rien ne m’attendait hors des hautes herbes n’arrangeait rien. Qui plus est, une inquiétante et sombre forêt se profilait au loin. Son ombre me faisait tellement peur que j’ai fini par déplacer mon piquet de sorte à pouvoir en dormir le plus loin possible, toujours face à elle pour la surveiller, de crainte qu’elle ne s’approche la nuit pour m’absorber en son sein.
Ca doit venir de là, ma peur des sapins.
Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il n’y avait rien dans mon champ. Et quand je dis «rien», c’est vraiment, absolument et totalement...Rien. Pas de petits oiseaux. D’écureuils. D’insectes fouisseurs ou de musaraignes. Juste moi, quelques pousses de blés, l’herbe et la forêt. Quand j’y repense, c’était la période la plus tristement paisible de ma vie. Lors de mes coups de mous, je me force à me remémorer ces journées si pleines de rien et, à peine dix minutes plus tard, j’en suis tout ragaillardie ! Même prendre feu me paraît moins inquiétant que l’idée de retourner à ce stade.
Donc j’étais dans mon champ, sur mon piquet, à regarder les brins d’herbes bouger au gré du vent, lorsque soudain j’ai entendu quelque chose : Des voix ! Un bruit inédit, provenant d’un chemin à gauche de la forêt. Je ne me suis jamais autant immobilisé de ma vie. Le regard fixé vers cette saleté remplie d’arbres, j’ai discerné deux silhouettes mouvantes qui s’approchaient d’une démarche typiquement paysanne. Ne sachant que faire, je suis resté immobile. Et eux, ben...Ils ont continués à avancer jusqu’à passer à quelques mètres de moi, assez près pour que je puisse comprendre une partie de leurs paroles.
« -
C’qu’y fait chaud ces jours lô dis.-
Oh j’sais bin, j’chauffe tellement qu’on pourrait faire cuire un œuf sur mon front téh. »
Ils ont alors, de manière parfaitement incompréhensible, poussé de concert un mugissement inintelligible que, plus tard, je parvenais à identifier comme un rire. Cela m’a surpris mais j’étais trop fasciné par leur conversation pour sursauter. Tout d’abord parce que, pour une raison que j’ignorais, je les comprenais ! Et ensuite parce qu’ils avaient l’air d’étendre quelque chose de blanc dans l’herbe sans prêter la moindre attention à ma personne. Une nappe, si je me souviens bien.
« -
Bon alors ces tartines ?-
Boh ça vient ça vient ! »
J’apprendrais dans le futur que ces étranges créatures sans branches étaient deux êtres humains, le premier de sexe féminin et l’autre masculin. La quarantaine passée, ils avaient l’air partis pour pique-niquer juste à mes côtés, aussi m’étais-je naïvement imaginé que ma présence ne risquait pas de causer le moindre remous. Troublé et tout de même un peu timide, j’assistais silencieusement à leurs échanges rustres et l’ingurgitation d’un bon demi kilo de nourritures à l’apparence et la propreté discutable. A l’instant du dessert cependant, le soleil avait commencé à descendre pour occuper le milieu de mon champ de vision. Machinalement, je baissais un peu la tête et l’orientais de côté, de sorte à ce qu’au moins l’un de mes yeux ne soit pas rôti par l’astre incandescent.
Le résultat ne s’est pas fait attendre :
« -
Heu, Jasmine ?-
Quô ?-
Z’ étaient frais, tes oeufs ?-
Bah dis donc, te m’prends pour qui ? C’est quoi ces manières ?-
Regarde derr’er toi et dis moi si t’trouves que l’épouvantail a bougé. »
La femelle s’est exécutée.
« -
C’est le vent.-
Y’a pas d’vent Jasmine. »
D’un souffle exaspérée, la plus terre-à-terre des deux frappa sur ses cuisses à l’épaisseur notifiable et se redressa pour lisser sa tunique.
« -
Boudiou t’vas pas recommencer à vouloir m’faire peur ! Les épouvantails ça bouge pôs, ça reste comme c’est lô, laid et immobile ! »
J’ai forcément tiqué. Laid ? Cela ne faisait que quelques heures que je découvrais le langage des vivants et déjà on m’insultait ! La brutalité du terme m’avait frappé et, involontairement, j’ai eu un petit sursaut.
« -
Lô tu l’ôs vu, l’ô bougé ! »
Bon. Comprenant que ça ne risquait pas d’aller dans le bon sens, j’ai choisi la voie de l’honnêteté et ait quitté mon piquet pour m’avancer gauchement vers eux. Pour la première fois, j’ai pris la parole et découvert par la même occasion que je savais parler.
« -
Je ssssssssuiiiiis paaaaaaas laaaaaaaaid. »
Dans l’élan, j’ai aussi pris conscience que ma voix était excessivement grave et trainante.
Son écoute n’a pas eu l’air de plaire à mes pique-niqueurs. Ils ont hurlés. M’ont jetés le panier de nourritures vide au visage puis se sont carapatés en me laissant sur place. Constatant qu’ils oubliaient leur nappe, je l’ai ramassée et l’ai enroulé autour du panier. Sans doute avais-je bien involontairement froissé ces deux pauvres gens et je m’imaginais pouvoir m’excuser en leur ramenant leurs possessions. Seulement, une fois les affaires correctement pliées, j’ai remarqué une chose :
Ils couraient vers la forêt. Horreur ! Mon intervention les avait tellement troublés qu’ils allaient mettre leurs vies en danger !
Ni une ni deux, je m’élançais dans leur direction, les rattrapant en quelques foulées pour les prévenir :
« -
Reeeeeeeeeveneeeez ! Les arbres vont vous maaaaaaangeeeeeer ! »
Non seulement je ne les ai pas stoppés mais en plus ils ont accélérés jusqu’à disparaître entre les arbres.
Panier sous le bras, à la fois perplexe et terrifié par ce que je croyais avoir fait, je suis resté planté face à la forêt pendant deux bonnes heures dans l’espoir que le couple en ressorte. Et puis je suis retourné sur mon piquet.
Quelques jours plus tard je décidais de pénétrer dans les bois à la recherche de mes pauvres adeptes du bivouac.
A l’entrée du bois, j’ai été rassuré de constater que les racines et les branches ne s’approchaient pas pour m’attraper, ce qui ne m’a pas empêché de sursauter à chaque grincements et craquements de bois au fur et à mesure de mon avancée dans la forêt.
Je n’ai pas retrouvé mes fuyards là-bas. Plus tard, je les ai aperçus dans le village se trouvant de l’autre coté de la forêt, qui s’avérait n’être qu’un sous bois traversable de bout en bout en moins d’une heure. A la place, j’ai trouvé une petite maison perchée entre deux arbres et visiblement abandonnée. On ne pouvait pas y accéder au moyen d’une échelle ou même d’une corde et j’aurais été bien embêté sans les quelques menus pouvoirs que j’avais appris à développer, dans mon champ. Ne sachant trop quoi faire et...étant tout de même un peu perdu, je me suis faufilé tout en haut d’un coup de grappin végétal et, après avoir constaté que la porte était ouverte, suis entré.
A l’intérieur se trouvait un ramassis de bocaux d’où s’échappaient des relents dégoûtants et beaucoup, beaucoup de plantes ! Le taudis –puisque c’en était un, pour être honnête- avait manifestement été laissé à l’abandon depuis quelques temps puisqu’une partie du toit s’était effondrée et qu’une longue branche traversait la fenêtre ouverte. J’étais à la fois ravi, inquiet et curieux de découvrir une telle chose.
Ma curiosité l’a emporté sur le reste. Après m’être assuré que j’étais seul, que la maison était en fait abandonnée et que le contenu des bocaux ne risquait pas de m’agresser, j’ai entrepris une fouille méticuleuse de ce qui restait sur place. Ce qui se résumait à beaucoup de parchemins et de carnets de notes, même si la une bonne moitié était devenue illisible à cause de l’humidité ambiante.
Ainsi, j’ai découvert l’identité de mon créateur.
Dans ses manuscrits, il ne parlait pas beaucoup de lui. Seulement de ses expériences dans le domaine magique et, plus précisément, celui des invocations. Son écriture était bâclée et son humeur avait l’air de toujours varier entre le simple agacement et la colère noire. Manifestement, ses tentatives de création se soldaient toutes par de frustrants échecs. Son but avoué était de créer un golem végétal. Une chose intelligente et vivante qui pourrait naître, selon lui, pour l’aider à « accomplir son grand projet ».
Ce projet, il ne le mentionnait qu’ainsi. Via son appellation grandiloquente. Rien de plus, rien de moins. Pas de précision, si bien que je n’ai jamais su pourquoi il tenait tant à cette création.
Par contre, en lisant l’une de ses dernières notes en date, j’ai compris que le désespoir le guettait.
«
L’épuisement et l’exaspération sont mes deux seules compagnes ce soir. Je n’ai même plus la force pour consigner le numéro ridiculement long de cette nouvelle expérience ratée. J’ai pourtant tout fait correctement cette fois. La huitième pique de l’étoile à huit pointes dirigée vers les ronces. Un flacon de mon sang versé au centre et l’invocation d’Hermana Stix prononcée au soleil couchant. Rien. Pas un seul mouvement. Pas la moindre vie perceptible.
Le temps est venu de tirer une croix définitive sur l’usage conventionnel de la magie. Que les dieux me punissent si ils le souhaitent, mais j’ai renoué avec quelques contacts de l’époque de mes classes à Beolan. J’ai désormais plusieurs tomes censurés de magie nécrotique et suis bien décidé à m’en servir, quoiqu’il advienne et qu’importe ce que les pédants salopards de la tour peuvent bien penser. Qu’ils continuent à s’acoquiner avec les lois imposés par des imbéciles si ça les chante, en tremblant dès qu’un chasseur de sorcière débarque. Moi, je fais de la VRAIE magie.»
J’avais beau ne pas comprendre tout ce qu’il disait, j’ai eu un mouvement de recul en lisant le mot « nécrotique ». C’était...Intuitif. J’ai compris avant même de lire la prochaine note que ce qui allait suivre ne pouvait être que mauvais.
Et mauvais, ça l’était.
«
C’est fait. J’ai basculé. On peut désormais me qualifier de « mage noir » et de meurtrier. Je n’en éprouve pas la moindre culpabilité. Ce qui est fait est fait. La mort de ces pauvres âmes a servi un but plus grand, c’est tout. Même si, je dois l’admettre encore une fois :
J’ai échoué.
J’ai usé de la méthode dénaturée du mélange d’Auras Immatérielles du sorcier Silius le Damné pour lier, à un réceptacle végétal, la conscience de six mourants.
Et j’ai échoué. Mais c’était un échec teinté de réussite. Le résultat a été, pour le moins...Disons, spectaculaire. Un nuage noir s’est formé au-dessus des restes fondus et, l’espace d’un instant, mon réceptacle s’est tordu comme un être vivant.
Et puis il est mort. Je l’ai vu s’évaporer. Le nuage s’est éloigné pour finalement disparaître dans une courte pluie écarlate qui a recouvert de sang le champ d’à coté. On parle déjà de ce phénomène dans le village d’à coté. Si quelqu’un fouille la forêt, ils me trouveront.
Mais j’ai déjà un autre refuge de prévu. Oh oui. Un très beau refuge.
A vous, qui lisez ces lignes. Fouille-merde de chasseur de sorcières, je vous défie, au nom de tous mes prédécesseur, au nom de tous ces visionnaires que vous avez brûlés pour avoir commis la faute de ne pas suivre vos règles. Venez donc me chercher. Je vous attends. »
Je me souviens bien de la suite. Très bien en fait. Parce que j’ai porté la main au col de mon manteau pour le tirer un peu. Et fixer avec dégoût les six visages enfermés dans les nervures de mon torse. Six mourants. Pour six visages.
Je pense que si j’en avais été physiquement capable, j’aurais vomis. A la place, je me suis contenté de pleurer de la sève.
J’ai chapardé quelques-unes des notes qui me paraissaient les plus intéressantes, et puis j’ai quitté cette maison pour ne plus jamais y revenir. Je suis retourné jusqu’à mon piquet, que j’ai sorti de terre. J’ai jeté le panier dans les herbes hautes et enroulé la nappe au bout de mon perchoir pour m’en faire un baluchon, au sein duquel j’ai fourré tous ces sinistres souvenirs. Et puis je suis parti.
Où ? A la recherche de mon créateur voyons !
Plus tard, après avoir appris le calendrier de ce monde et comparé la date actuelle à celles consignées dans les écrits de mon créateur, j’ai su que même la plus jeune de ses notes était vieille de dix-neuf ans avant ma naissance. J’étais né bien après son expérience et donc son départ. Il avait donc beaucoup d’avance !
Je ne suis pas du genre à m’arrêter pour si peu.
J’ai arpenté un peu le monde, en évitant, évidemment, soigneusement les villes et les villages. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre à quel point je causais un sacré remue-ménage en débarquant alors en général, j’évite simplement de rencontrer les gens !
Le problème, évidemment, c’est que sans témoignage, mon enquête n’avance pas facilement. Alors de temps en temps, j’essaie de tenter une approche. L’une d’elle m’a valu la petite histoire qui-fait-peur-aux-enfants que je t’ai cité, tout à l’heure. Autant dire que ça ne marche pas bien. J’ai aussi évité les coins dangereux. C’est-à-dire tous les coins où il n’y a pas de champs au sein desquels un épouvantail pourrait sembler tout à fait naturel. Ça aussi, ça gêne pas mal mon enquête. Puisque j’imagine que mon créateur pourrait très bien être parti se réfugier dans une montagne ou un port...Mais ça ne sert à rien d'être défaitiste, pas vrai ?
Pas vrai ?
En ce qui vous concerne
A quelle fréquence serez-vous présent sur le forum ? C’est le confinement, alors ça devrait aller :’)
Comment avez-vous découvert le forum ? Je sais plus
Quelles remarques pouvez-vous formuler à propos de l’apparence du forum ? J’aime bien, toujours
Test-RP
Lors d’une journée beaucoup trop chaude, à l’heure du déjeuner, quelqu’un pleurait. C’était un enfant, joufflu et blond, d’une dizaine d’année, qui enserrait de ses petites mains son genou gauche, horriblement enflé et tordu. Le bambin, à force de courir dans le champ de blé proche de son village, avait fini, comme beaucoup de gosses à son âge, par trébucher entre les épis en se tordant par la même occasion un os ou deux. Aussi beuglait-il sans discontinuer depuis plusieurs minutes déjà, persuadé que ses parents, occupés respectivement : à préparer le repas pour la mère, et ranger ses outils dans sa remise pour le père, allaient se matérialiser à ses côtés pour soigner son bobo. Bien entendu, aucun parent ne vint pour confirmer ses naïves espérances. Il poursuivit donc ses jérémiades un temps, avant de céder directement à la panique véritable, celle qui prenait racine dans le fait que personne n’était là pour lui, qu’il ne pouvait plus se lever et qu’avec un soleil aussi agressif pile sur le crâne, il risquait fort d’avoir soif très vite.
Ladite panique déclencha chez lui un concert de plaintes bien plus stridentes encore que ses précédents pleurs. Malheureusement pour l’innocent être, cette fois, quelqu’un l’entendit. Ou plutôt quelque chose.
Ça ressemblait à un épouvantail. Ou plutôt, c’en
était un. Particulièrement inquiétant, il faut le dire. Dressée sur de longues jambes droites, la chose portait sur son dos vouté un sac de toile qui pendait au bout d’une croix de bois. Grand comme un orc et horriblement filiforme, son aspect repoussant était accentué par la flamme blanche animant son cruel regard sans pupilles, visible à travers les trous du sac à patate qui lui servait de masque. Enfin, les griffes de bois s’extirpant de son manteau ne laissaient que peu de doutes concernant la malveillance de ses intentions.
Ainsi dressé au-dessus du pauvre enfant, rendu silencieux par la fascination et la crainte, la chose de bois replaça le chapeau de paille vissé sur son crâne et souffla d’une voix grave et trainante :
« -
Tu t’es faiiiiiiiiiiiiiiis mal, petit ? »
Il n’en fallut pas plus au gosse pour sombrer dans les affres de l’inconscience. La chose au-dessus de lui tendit une griffe dans sa direction, puis se ravisa finalement. A la place, l’épouvantail planta sa croix de bois dans le sol devant l’enfant allongé, et s’y accrocha, les bras tendu de chaque côté, de sorte à ce que son ombre se projette sur la tête blonde, la protégeant de la morsure de l’astre solaire.
Quelques heures plus tard cependant, lorsque l’enfant se mit à remuer de nouveau sans pour autant réussir à bouger de lui-même, la chose dû se rendre à l’évidence :
La famille de l’enfant n’était pas très bonne en recherche. Il les avait vus, depuis son perchoir, sortir de la maison, l’air pressé et inquiet, seulement...Les deux étaient partis...Dans la direction opposée des champs. Et après avoir vérifié le fond du puits, le père s’était dépêché de convier une partie des villageois à la recherche, en partant...Dans le bois d’à coté.
«-
C’eeeeeeeeeeest pas vrai. » Disait de temps en temps la chose de bois, ses horribles yeux fixant un trio d’enquêteur alors que ces derniers faisaient une halte à la taverne.
« -
Mais c’eeeeeeeeeest pas vrai. » Répétait le croque-mitaine au chapeau de paille en observant l’un des autres chercheurs s’assoupir à l’ombre d’un bosquet.
« -
Mais qu’ils sssssssssssont NULS ! » Pesta-t-il finalement tandis que la mère, effondrée, pleurait toutes les larmes de son corps, deux heures à peine après le début des recherches.
Et de fait, la créature n’avait pas tort, au contraire. Puisqu’à la tombée de la nuit, après avoir retourné la forêt, le champ du voisin et même le village d’à coté : la famille et ses quelques bienfaiteurs s’en retournèrent à leur demeure pour se lamenter sur ce coup du sort, cette si terrible disparition. Sans avoir posé un seul pied dans ce champ-ci ou même regardé en direction de l’épouvantail.
Alors, à bout de patience et inquiet pour le petit être qui ne cessait de tourner de l’œil à sa vue, l’épouvantail finalement pas si malveillant entrepris de descendre de son piquet pour apporter lui-même l’enfant aux parent.
Précautionneusement, il prit l’enfant dans ses bras en prenant soin de ne pas le piquer d’une de ses griffes, puis s’avança en direction du village aussi discrètement que possible.
A pas de loup, la chose longea le poulailler jouxtant la demeure des géniteurs du petit être et sauta par-dessus la clôture en atterrissant sur un tas de bois qui grinça sous son poids. Une fois de nouveau sûr de son équilibre, l’étrange bienfaiteur redoubla de prudence en marchant sans un bruit jusqu’à la porte d’entrée pour y déposer délicatement son protégé aux pieds de celle-ci.
Et puis sa nature reprit le dessus.
L’idée qu’il pourrait potentiellement échanger quelques mots avec cette famille lui effleura l’esprit et, malgré, tous ses efforts pour tenter de réfréner cette lubie, le Spewd’Hermann fit une nouvelle fois l'éternelle erreur en frappant le plus doucement possible à la porte.
Personne ne répondit. Alors il tenta de nouveau.
Pas de réponse.
Perplexe, il contourna l’entrée pour jeter un coup d’œil par une fenêtre d’où s’échappait une faible lumière. A l’intérieur, se trouvait le père assis, seul, à table alors que la mère, un peu plus loin, debout, fixait le vide face à elle telle une aliénée. La peine qu’ils semblaient tous deux éprouvés affecta le Spewd’Hermann, qui retourna jusqu’à la porte pour frapper plus vivement encore.
La voix courroucée de l’homme de la maison retentit alors à travers le bois.
« -
Je n’irais pas boire un coup ce soir Ubbe, NON ! »
Suivi de près par une plaintive supplique, indubitablement féminine cette fois :
« -
Ayez au moins le respect de nous laisser à notre chagrin ! »
L’épouvantail s’interrogea quelques instants puis, alors qu’il s’apprêtait à partir, se rappela que l’enfant aux pieds de la porte risquait bien d’attraper froid si personne ne comptait le récupérer avant le petit matin.
Alors il retourna jusqu’à la fenêtre, contre laquelle il frappa... L’homme à l’intérieur ne prit même pas la peine de lever les yeux jusqu’à la vitre pour vérifier qui s’y trouvait derrière. Les poings serrés, ce père chagriné se contenta de gronder :
«-
Ubbe, si tu ne dégages pas maintenant, je vais... »
Mais le Spewd’Hermann s’était approché un peu plus de la vitre pour que la lumière de la bougie le rende parfaitement visible. Et de sa voix trainante, il déclara :
« -
C’eeeeeeeest pas Ubbe. »
Et finalement, il y eut une réaction.
Le point positif de cette réaction, ce fut qu’en se précipitant à l’extérieur pour rameuter le reste du village et aller chercher sa fourche, le père découvrit son fils sur le palier de la porte.
Le négatif, par contre, bien plus douloureux pour le Spewd’Hermann, se manifesta par le biais d’une demi-douzaine de lames et de torches brandies dans sa direction et, plus tard, par la création et transmission d’une certaine histoire d’épouvantail affamé, venant le soir gratter aux fenêtres dans le but d’emmener les enfants ne voulant pas dormir. La nuit se révéla aussi affreusement courte pour la pauvre, innocente et inquiétante créature, qui dû s’enfuir à toutes jambe pour ensuite revenir discrètement et récupérer ses affaires, toujours dans le champ d’à coté.
Mais le pire dans tout ça... C’est qu’il n’en tira absolument aucune leçon.
* * *