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Personnage
Nom :Abadeer
Prénom :Sylith
Rang : L’incendie
Âge : 83 ans
Sexe : Femme
Race : Démon
Classe : Pyromancienne (ou pyromane, c’est selon).
Il est difficile de véritablement distinguer la « Classe » de son utilisatrice dans le cas présent. Très portée sur le fait de mettre le feu à environ tout ce qui pouvait lui tomber sous la main, Sylith aurait pu suivre une éducation d’ensorceleuse en bonne et due forme si elle n’avait pas éprouvé un ennui profond à l’idée de manier une quelconque autre forme de magie que celle du feu. C’est pour cela qu’elle n’utilise que ce domaine en particulier, avec beaucoup plus d’originalité et de talent que la plupart des autres mages de sa connaissance toutefois.
Elle possède également des rudiments d’alchimie tournés, vous l’aurez compris, vers tous les mélanges aux propriétés inflammables ou explosives, ce qui lui donne un répertoire tout à fait saisissant lorsqu’il s’agit de bouter le feu à quelque chose, quand bien même la chose en question n’apparaîtrait pas comme combustible au premier regard.
Métier : Pyromane à plein temps.
Croyances : Le très saint feu dans les bons jours, pas grand-chose dans les mauvais.
Groupe : Ordre du crépuscule
Équipement :A peu près rien en réalité. La majorité de son « équipement », Sylith l’a réduit à l’état de cendre à un moment ou à un autre de sa carrière. C’est, en réalité, le cas d’environ toutes ses possessions terrestres. Voici une liste, quasiment exhaustive donc, de celles-ci :
-Une paire de dagues aux utilisations très variées.
-Un nombre certains de vêtements ignifugés (à défaut de quoi elle passerait une bonne moitié de sa vie nue).
-Des décoctions diverses et variées dont les effets ont tous un rapport direct avec son élément préféré (je vous laisse deviner lequel). Cela va de la fiole explosive à celle contenant du feu grégeois en passant par tout un tas de liquides divers et variés aux utilisations parfois surprenantes.
-Le parfait nécessaire du petit alchimiste.
-Quelques vieux bouquins de magie, qui servent parfois d’allume-feu.
Talents de combat physique :
Sylith a une propension au combat physique assez… Spécifique. C’est-à-dire qu’elle n’a strictement aucune chance dans un combat à la loyale, avec qui que ce soit passé le ramasse-merde avec sa fourche. Elle a, toutefois, erré suffisamment dans les ruelles sombres de Feleth au cours de sa vie pour savoir comment dessiner un second sourire en travers de la jugulaire d’un passant inattentif… Et elle se débrouille respectablement en bagarre d’ivrognes.
Talents de magie :
Sylith a, très littéralement, passé la quasi-totalité de son existence à étudier le meilleur moyen de mettre le feu et / ou faire exploser tout et n’importe quoi dans n’importe lequel des trois mondes. Elle est ainsi capable de mettre le feu à de l’eau, par exemple (vous vous souvenez du feu grégeois que je mentionnais plus haut ?). Elle est également l’une des personnes les plus compétentes lorsqu’il s’agit de manier la magie du feu, quand bien même serait-elle complètement incapable d’en convoquer une autre sans instantanément sombrer dans le lourd sommeil de l’ennui profond.
Son utilisation de cette école de magie, si elle est sans nul doute virtuose, reste toutefois assez régulièrement « brouillon » dans la forme, surtout aux yeux d’autres ensorceleurs, et la tendance de la pyromancienne à vouloir à tout prix s’assurer qu’elle peut bouter le feu à ce qu’elle a face à elle a pu lui jouer de mauvais tours par le passé.
Talents divers : Une capacité certaine à perdre son sang-froid de manière quasi-instantanée. Ou à « relâcher le trop plein de frustration » selon la principale intéressée.
Peu importe le point de vue toutefois, la conséquence est systématiquement la même : quelqu’un devra invariablement ramener un balai (ou, parfois, quelque chose de plus imposant) afin de disperser un tas de cendre de taille... Changeante.
La démone est, enfin, initiée au vol à la tire et au cambriolage, et a en conséquence une certaine capacité à se montrer discrète lorsque cela est nécessaire… Ou à apparaître là où on ne l’attend pas.
Pouvoirs particuliers :
Sylith est, et c’est bien chanceux, complètement insensible au feu. En tout cas, au feu qu’elle produit par ses pouvoirs et ses décoctions alchimiques. Et le feu « naturel » aussi. Possiblement le feu d’autres ensorceleurs également ? C’est difficile à dire car, lorsqu’elle repère un concurrent potentiel dans la maîtrise de cette école de magie, la pyromancienne a tendance à le prendre comme une sorte de concours… Qui a, plus d’une fois, connu un fin tragique. Anecdote amusante : des villageois humains en colère ont, en une occasion, essayé d’organiser un bucher afin de brûler la pyromancienne vive pour crime de sorcellerie. Cette histoire se conclut très précisément comme vous l’imaginez, non sans une certaine ironie sur l’identité de la (ou les, en l’occurrence) personnes incinérées.
Sylith est, également, immunisée au froid (d’aucun disent que c’est peut-être bien du feu liquide qui coule dans les veines de la jeune femme), et sa température corporelle varie du « bouillant » au « volcanique » selon des rythmes assez difficiles à prévoir.
Elle a, enfin, une relation parfaitement antipathique afin la quasi-totalité du règne animal, qui la déteste pour exactement la même raison qu’il déteste le feu : Sylith brûle. L’exception la plus notable à cette haine généralisée est la catégorie des animaux à sang froid, qui apprécient sa température corporelle à sa juste valeur.
Apparence physique : La pyromancienne ne paie, de prime abord, pas de mine. C’est en apparence une jeune femme menue, de taille assez moyenne, et dont les vêtements ne respirent ni le luxe ni la pauvreté crasse. Elle est très « quelconque » dans son apparence générale en vérité. Mais les choses intéressantes commencent lorsque l’on se rapproche un peu.
D’abord, souvent cachées sous la capuche de l’intéressée, se trouve sa chevelure. Celle-ci a de particulier qu’elle a la couleur (ou plutôt les couleurs d’ailleurs) de son élément favori. Je vous laisse vous rappeler duquel il s’agit. Du blanc au rouge en passant par le jaune et toutes ses variantes, il est difficile de nier que la crinière de Sylith est, excusez-moi du jeu de mot, flamboyante.
Sous celle-ci se trouve un visage qui aurait pu être beau s’il n’avait pas été abimé par des années d’expériences alchimiques en tous genres, avec parfois des effets secondaires quelque peu… Destructeurs. Plusieurs cicatrices parcourent ainsi le crâne de la démone, dont la plus visible est celle qui traverse l’ensemble de sa joue droite, résultat d’une décoction n’ayant pas exactement eu l’effet escompté.
Le reste du corps de notre pyromane est assez quelconque. Relativement fine, il y a une certaine dose d’agilité dans les muscles qui transparaissent sous la peau de la jeune femme, acquise à force de courir afin d’échapper à ses créations hors de contrôle ou aux forces de l’ordre. Sa forme physique n’est toutefois pas excellente, comme c’est souvent le cas chez les mages, et la forme de défense la plus souvent utilisée par Sylith est la suivante : si mes ennemis sont carbonisés, alors ils ne peuvent pas me faire de mal. Jusqu’ici, il faut bien dire que ça a été d’une efficacité éprouvée.
Caractère, personnalité : Je pense que les lecteurs attentifs que vous êtes auront, très certainement, compris quel est le principal trait de personnalité de la jeune femme. Pour les quelques-uns qui ne suivent pas dans le fond, laissez-moi vous résumer cela : elle est pyromane. Et pas juste à moitié pyromane dans le style « je mets le feu à une cabane de jardin une fois par mois ». Plutôt TRES pyromane. Du genre « J’ai réduit ce village à l’état de cendre parce que l’auberge avait l’air de pouvoir donner un sacré feu d’artifice. D’ailleurs, j’avais raison. »
C’est également la raison pour laquelle, malgré le fait que ce soit une démone, elle a passé une grande partie de sa vie sur le monde de Feleth. En effet, quel est l’intérêt de mettre le feu à quoique ce soit dans un monde toujours changeant ? Dans un monde qui ne gardera pas la moindre trace de vos actes, passé un jour ou deux ? Voilà qui est remarquablement ennuyeux pour la démone qui a donc choisi, une fois passé ses premières expérimentations sur sa terre natale, de planter sa tente dans le monde gris pour continuer de s’y amuser. Elle rêve secrètement de pouvoir un jour se rendre en Adiryl pour expérimenter le pouvoir de la flamme là-bas aussi, mais vous savez comment sont les anges… Pas un grand sens de l’hospitalité, surtout lorsqu’il s’agit de brûler leur foyer.
Passé, donc, cet amour immodéré pour tout ce qui brûle, Sylith est une jeune femme relativement colérique mais pas idiote pour autant. Elle apprécie le fait de pouvoir donner libre cours à toutes ses envies les plus destructrices mais sans leur laisser prendre le pas sur son instinct de survie. Elle est même capable d’être relativement fourbe à l’occasion, bien que ses tendances naturelles aient plutôt tendance à la faire entrer par la grande porte toutes flammes dehors.
Histoire : J’aimerais pouvoir vous dire que l’histoire de Sylith a commencé de manière épique, dans un tourbillon de flammes ou au cœur d’un gigantesque incendie… Mais ce serait mentir. Demandez à la principale intéressée, toutefois, et vous aurez sans doute une version plus dramatique de la chose. Mais, encore une fois, ça n’est pas le sujet de l’histoire ici présente, et nous nous en tiendrons donc aux faits… Autant que faire se peut.
L’histoire de la pyromancienne commence, vous l’aurez compris, dans le Vein. Pas au milieu des flammes ou d’un orage cataclysmique, mais ironiquement au cœur de l’une des forêts qui vont et viennent dans le monde du dessous. Une étincelle (la première d’une existence qui en sera par la suite remplie) de conscience apparut, en apparence de nulle part. Une étincelle de conscience incapable de vraiment réfléchir ou de concevoir le monde autour d’elle… Simplement la conscience d’être. Cette étincelle n’aurait toutefois pas duré bien longtemps sans forme physique pour l’abriter, et ainsi commença à se former un corps. Un corps à l’apparence d’abord… Chaotique. Des membres poussant à vitesse accélérée dans toutes les directions, une tête puis une autre… Et la première qui explose tandis que les bras excédentaires se résorbent et les jambes additionnelles tombent simplement au sol comme si elles n’avaient jamais fait partie du corps en construction.
La forme physique commença alors à prendre apparence humaine et, sous peu, on avait là une silhouette à peu près normale, avec deux jambes et deux bras, un torse, une tête… Tout cela à la bonne place et globalement fonctionnel. Difficile d’en dire autant de l’occupante, visiblement particulièrement confuse, qui commença à tituber avant de s’effondrer dans le chaos de son arrivée à la vie. Elle avait été créée par la magie noire du Vein et expulsée de celle-ci comme on cracherait un glaviot : sans le moindre ménagement. Après quelques minutes à reprendre ses esprits, ce qui était décidément une jeune démone se releva de manière (à peu près) stable, et commença à contempler son environnement. Elle venait de naître, et elle n’avait très certainement pas la moindre foutue idée de comment elle s’était retrouvée là… Mais maintenant qu’elle y était, autant en profiter.
Voilà qui résume, finalement, assez bien la philosophie de Sylith dans son ensemble d’ailleurs. Mais ça n’est pas (ou, tout au moins, plus) le sujet. Je me permets ici d’effectuer une brève ellipse sur les premières années d’existence de la démone qui n’ont pas véritablement d’intérêt particulier. C’est l’histoire initiatique de tous les démons jetés dans l’existence par la magie noire du Vein, sans repère ni guide, avec pour mode d’emploi un gros « Démerde toi » jeté à la figure par l’univers lui-même. Si cela pourrait apparaître dramatique, ça ne l’est finalement pas tant que ça, et ça force surtout les nouveaux nés à apprendre à se défendre rapidement s’ils ne veulent pas finir en casse-croûte de quelqu’un ou quelque chose à brève échéance.
La jeunesse de Sylith fut ainsi, globalement, sans histoire. Enfin, sans histoire pour un démon. Disons qu’elle ne fut pas marquée par un moment particulièrement important mais plutôt par le genre d’habitudes de vie que les démons ont. Une paire de meurtre, quelques destructions gratuites et pas mal de temps à errer sans but au sein du Vein… Rien de bien folichon, vous dis-je.
Notre jeune pyromane (qui s’ignore encore à ce stade de notre récit) vivait donc sans véritable but, ne sachant trop que faire de son existence. Il lui manquait un véritable objectif, une passion qui la pousserait toujours plus avant vers l’horizon lointain de l’accomplissement personnel. Enfin, plutôt quelque chose qui évincerait l’ennui grandissant qui occupait le cœur de la jeune démone à vrai dire. Quelque chose qui la changerait de l’ordinaire, qui lui ferait découvrir un nouveau versant de la vie et lui prouverait qu’elle valait la peine d’être vécue.
Face à cette terrible réalisation (comprendre : le fait qu’elle se fasse salement chier), notre protagoniste décida de changer de plan. Très littéralement d’ailleurs, puisqu’elle finit par opter pour migrer du Vein à Feleth. Si le monde du dessous était plein de surprise, sa nature changeante rendait tout et tous inconséquents, ce qui n’était pas le cas de sa nouvelle terre d’accueil.
Après quelques temps à errer un peu au hasard par monts et vallées, la jeune femme finit par atterrir dans une ville qui devint son foyer sur la terre du milieu. J’ai déjà entendu ce nom quelque part, d’ailleurs. Enfin, bref, Sylith s’installa à Camorr. Qu’est-ce que Camorr me direz-vous ? Eh bien c’est une ville, située au bord du Grand Océan de Feleth. D’une certaine façon, à la fois le meilleur et le pire de ce que le Royaume a à offrir. D’apparence, pour les bonnes gens, il s’agit d’une citée commerciale prospère vivant des échanges qu’elle entretient avec un bon nombre d’autres villes de la côte ainsi qu’avec son arrière-pays proche… Mais c’est également le centre névralgique de la plupart des syndicats du crime de la région, aux spécialités diverses et variées, qui font tous ou presque allégeance au Capa de Camorr, une sorte de pape du crime local. L’endroit rêvé pour s’amuser un peu, en somme.
Sylith ne faisant, à l’évidence, pas partie des « Bonnes gens » cités plus haut, elle tomba très rapidement dans le côté sombre de la ville, s’acoquinant avec une bande de voleur ou une autre afin d’apprendre leur art. Elle n’avait pas véritablement besoin de ce qu’elle arrivait à dérober aux citoyens honnêtes de Camorr, mais ça n’avait pas véritablement d’importance : c’était plutôt divertissant. Mais le vol à la tire a ses limites, et les bandes de petites frappes qui constituaient la large majorité des malandrins de la ville lassèrent assez rapidement la jeune femme, qui finit par s’intéresser aux plus gros poissons. Les arnaqueurs, les cambrioleurs, les assassins… Tous ceux-là avaient, véritablement, quelque chose à offrir. La carrière de malfrat de la démone lui convenait, aussi elle s’efforça de progresser autant que faire se peut et rejoignit, bientôt, un groupe de cambrioleurs à peu près convenable.
Mais tout cela n’allait pas durer. Parce que, et vous vous le demandez sans doute, comment une cambrioleuse peut bien devenir pyromane ? N’y a-t-il pas une contradiction inhérente entre le fait de dérober la propriété des autres et le fait de la détruire par les flammes ? Eh bien en réalité, pas tant que ça… Mais c’est ce qui fait tout le sel de cette histoire. Voyez plutôt.
Après plusieurs mois en compagnie de ses nouveaux amis, la bande de Sylith décida de frapper un grand coup. Il s’agissait de dévaliser l’une des maisons de jeu de la ville. Pas la plus belle ou la plus riche, non, car la sécurité aurait certainement compliqué leurs plans… Plutôt l’une de celle suffisamment bien installée pour disposer d’un petit pactole à l’arrière-boutique, sans encore ressentir le besoin de se protéger à outrance. C’est ainsi que le plan se mit en place.
La première étape de ce plan fut assez particulière puisqu’il s’agit de maquiller l’un des plus jeune membres de la bande, âgé d’une douzaine d’années alors et certainement mort de vieillesse aujourd’hui (en tout cas si la vie avait réussi à le porter jusque-là). Maquiller en quoi me demanderez-vous ? Eh bien, en malade bien sûr. Voyez-vous, comme bien des villes de Feleth, Camorr était sujette à des épidémies périodiques variées qui causaient autant la panique chez les habitants que les réactions disproportionnées chez les dirigeants.
Le petit comédien grimé en infecté fut, ensuite, envoyé dans la maison de jeu dont je parlais plus tôt afin d’agir comme un orphelin en manque de repère, touché par une affliction terrible… Terriblement contagieuse, surtout. Comme prévu, à peine entré dans l’établissement, l’ensemble des clients et des employés fut pris de panique à la vue du visage juvénile marqué par les stigmates de la maladie, et une ruée vers la sortie qui pris des airs d’émeute eut lieu. Une fois l’endroit vidé de ses occupants, l’équipe put y pénétrer et récupérer tout ce qui avait un tant soit peu de valeur… Une soirée réussie, en somme. Curieuse de voir la suite des évènements, Sylith revint sur les lieux du crime peu après avoir déposé son butin dans leur repère, et eut l’occasion de voir quelque chose qui la changea à jamais.
La garde de quarantaine était arrivée. Pour ceux qui ne seraient pas familier avec ce terme, il s’agit de l’organe, au sein de la garde, chargé de réguler les épidémies et s’assurer que ces dernières ne se propagent pas à toute la ville. La venue du petit garçon devait leur avoir été signalée et, ni une ni deux, la garde était venue… Et avait, sans plus de considération pour la situation, incendié le bâtiment. Le meilleur antiseptique existant bien sûr, mais pour Sylith… C’était, surtout, le meilleur spectacle existant. Oh, bien sûr, elle avait déjà vu des flammes. Mais la différence entre un feu de camp et un bâtiment qui se consume est la même que la différence entre un assassinat dans une ruelle et une bataille rangée, entre la lumière d’une torche et celle du soleil, entre une goutte d’eau et l’océan. Ce fut, presque littéralement, un coup de foudre instantané pour la démone. Sa vie prit, très soudainement, un sens. Elle resta assise sur un toit voisin toute la nuit, contemplant l’incendie qui faisait rage jusqu’à ce que la dernière braise se soit éteinte, le dernier brandon consumé et qu’il ne reste que cendres et ruines à l’endroit où se tenait autrefois un bâtiment imposant.
Elle prit conscience, au cours de cette contemplation silencieuse, qu’elle voulait pouvoir à nouveau contempler ce spectacle. Elle voulait le voir, et y participer… Elle voulait le répandre, le propager et l’amplifier jusqu’à ce que ça ne soit pas une simple maison de jeu qui brûle mais un quartier entier, une ville, et même un pays. Elle voulait voir les flammes danser et à l’instant où celles-ci cessèrent de le faire dans ce qui était autrefois une maison de jeu, elle ressentit immédiatement les effets du manque. Comme un coup de poing qui vous force à vider vos poumons, elle subit un choc presque physique, et une tristesse qui était du même acabit… Elle avait trouvé une passion dévorante, et elle comptait bien attiser celle-ci.
Inutile de vous dire que son activité de hors la loi fut immédiatement oubliée. Qu’est-ce qu’un cambriolage quand vous pouvez réduire en cendre la demeure ? Qu’est-ce qu’une arnaque bien ficelée face à un incendie hors de tout contrôle ? Ses camarades voleurs ne la revirent plus jamais, et pour cause : elle venait de repartir dans le Vein. Elle savait dorénavant ce qu’elle voulait faire, mais il lui restait encore à comprendre comment et, pour cela, elle avait besoin d’un temps de réflexion.
Ce temps ne fut, pour être parfaitement honnête, pas particulièrement long. On ne peut, bien sûr, pas réfléchir très longtemps à l’évidence sans tourner en rond… Aussi Sylith s’engagea assez rapidement sur la voie de l’apprentissage. Quel autre moyen pour provoquer autant de désastres incendiaires que possible ? La jeune démone avait une certaine affinité avec la magie (d’aucun diront que c’est le cas de la plupart des démons issus du Vein lui-même), mais aucune discipline pour contrôler cette dernière. Elle avait du pouvoir brut à revendre, mais pas de connaissance quant au moyen de le canaliser. Il lui fallait, de toute évidence, un professeur.
La problématique était, alors, la suivante : comment en trouver un ? Les démons enseignants sont, je ne vous l’apprends pas, chose rare dans le Vein. Elle opta donc pour retourner sur le monde gris où elle avait eu connaissance d’une cité toute entière tournée vers la magie, où les meilleurs praticiens se retrouvaient pour partager les secrets de leur art. Il n’est pas impossible que cette description lui ait été faite par un mage en état d’ébriété avancée, lui-même originaire de cette ville… Et qu’elle soit donc quelque peu hyperbolique. Mais, en l’absence d’autre piste pour apprendre, la jeune femme se mit en route pour trouver cet eldorado des thaumaturges : Béolan. Une autre raison, plus personnelle, la poussait également à retourner sur Feleth : il y avait une stabilité dans ce monde que le Vein ne connaissait pas… Et quel intérêt de provoquer un incendie cataclysmique dans un monde qui ne s’en souviendrait même pas le lendemain ? Lorsque tout change en permanence, rien ne garde véritablement la marque de votre passage, et cette constatation déprimante poussa la pyromane tout droit dans les bras du monde gris.
Toujours est-il que Sylith s’installa à Béolan. D’abord comme membre de la plèbe, le temps de réunir suffisamment de fond pour subvenir à ses besoins et à ceux d’une éducation en bonne et due forme, puis comme apprentie. Elle se faisait, bien sûr, toujours passer pour une humaine… Et elle modérait ses penchants les plus destructeurs afin de paraître plus « normale », plus à même de suivre les cours des grands esprits de la ville. A l’échelle de la vie d’un démon, cette période de temps fut relativement courte mais Sylith y appris bien plus qu’elle ne l’avait imaginé. D’abord dans l’art de la pyromancie, bien sûr, mais également dans celui de l’alchimie… Elle finit par travailler comme apothicaire au sein de la boutique d’un mage raté pour payer le reste de ses études, sa connaissance des ingrédients nécessaires à l’alchimie lui servant de gagne-pain. Impossible de faire mieux toutefois : elle n’avait jamais eu d’intérêt pour le reste de la matière alchimique et, au-delà de ses préparations très littéralement explosives, son expertise chutait d’un coup sec pour atteindre celle d’un humain lambda.
Elle ressortie de ces quelques années d’apprentissage quelque peu… Changée. Elle était, bien sûr, une pyromancienne bien plus compétente que quand elle avait commencé, mais elle était également plus réfléchie, plus éduquée et plus à même de se fondre dans la population humaine en général. Ce que son existence avait eu de sauvage jusqu’ici n’était bien sûr pas oublié, simplement « sous contrôle ». Elle savait quand retenir ses pulsions les plus démoniaques et quand leur laisser libre cours. Quand feindre l’intérêt et quand rire au visage de son interlocuteur. Bref, elle était devenue à même de vivre en société autant que cela pouvait être nécessaire sans laisser derrière elle ce qui faisait sa véritable nature. Elle avait, pour une fois, véritablement mûri.
Je passerai rapidement sur la suite immédiate des évènements. Sylith commença à parcourir le monde (ou, plutôt, les mondes) un petit peu au hasard, afin de tester de nouvelles façon d’exercer son art. Elle rendait, de manière ponctuelle, visite à des mages réputés pour leur compréhension profonde de la magie des flammes afin d’apprendre toujours plus. Elle vécut des aventures aussi variées qu’insolites mais sans lien particulier entre elles… Jusqu’à un passé beaucoup plus récent.
Sylith arpentait alors, une fois n’est pas coutume, les chemins du Pays. Ses pas l’avaient amenée dans cette contrée un peu par hasard et elle n’avait pas de plan particulier en tête… Mais il n’était pas impossible qu’elle se soit faite, légèrement, remarquer en incendiant deux villages successifs pour des prétextes qui oscillaient entre le mesquin et le fallacieux. Pas de grands villages d’ailleurs, simplement quelques hameaux qui étaient partis en fumée lors d’une crise de mauvaise humeur de la moins-jeune-maintenant femme. Une remarque déplacée par ici, une accusation (justifiée d’ailleurs) de vol par là et pouf, beaucoup de cendres, une paire de cadavre… Rien qui ne sorte véritablement de l’ordinaire pour la démone. En tout cas, pas plus que cela. Ah, si, il y avait eu cette caravane marchande aussi, effacée de la carte sur une erreur de jugement… Bon, disons pas une destruction à trop grande échelle. En tout cas, pas volontairement. Le bosquet voisin avait peut-être aussi légèrement roussi à cause d’un incendie un peu vif… Trois fois rien finalement.
Toujours était-il que la jeune femme poursuivait son chemin, ne demandant rien à personne, lorsqu’elle arriva en vue de la prochaine bourgade sur son chemin. Décidément plus grande que celles qu’elle avait traversées jusqu’ici, elle était même entourée de palissade. Elle n’était pourtant pas particulièrement proche de la frontière avec le Royaume, toujours contestée… Peut-être les brigands étaient-ils particulièrement actifs dans cette région. Avec un haussement d’épaules, la démone s'avança vers la porte, gardée par un bouseux tout ce qu’il y a de plus lambda. Elle allait entrer lorsque celui-ci abaissa ce qui lui tenait lieu de lance (et qui, en réalité, ressemblait BEAUCOUP à une fourche) pour l’empêcher de passer. La discussion, peut-être un peu vive au premier abord, s’engagea alors. La bourgade n’acceptait pas les voyageurs apparemment, il semblait qu’il y avait quelqu’un ou quelque chose qui s’amusait à bouter le feu à tout ou presque dans le coin, et ils ne voulaient pas courir ce risque. Sylith, l’innocence même peinte sur son visage, demanda à rentrer quoiqu’il en soit, qu’elle était juste une voyageuse fatiguée par la marche et qu’elle aurait bien besoin d’un lit, d’un repas chaud et d’une bonne chope… On lui répondit que ça n’était pas possible, qu’il n’y avait pas d’exception, et qu’elle avait qu’à se démerder (j’édulcore ici le vocabulaire très « coloré » de ce garde champêtre).
Furieuse mais le cachant bien, la jeune femme rebroussa donc chemin et s’éloigna jusqu’à être hors de vue. Elle s’enfonça ensuite dans la forêt voisine afin d’observer la bourgade depuis un point de vue un peu plus discret… Avoir refusé de la faire entrer était une réaction valable, d’autant plus qu’elle était bien le pyromane qui inquiétait les autorités locales, mais cela ne la vexait pas moins. Elle aurait sa revanche, pour la seule et unique raison qu’elle pouvait se le permettre. Elle attendit donc, tranquillement, la tombée de la nuit. Celle-ci arriva, à son rythme, tandis que la démone somnolait à moitié sous la cime des arbres, le regard perdu dans le feuillage.
Elle attendit que l’obscurité soit suffisamment épaisse pour couvrir son approche et s’approcha en catimini de la palissade. Celle-ci fut, promptement, enjambée grâce à ces quelques années, il y a si longtemps, où elle jouait encore les monte-en-l’air. Certaines choses ne se perdent jamais véritablement.
Sylith se rendit, d’abord, au puits du village. Il semblait que tout le monde, ou presque, dormait, et les quelques gardes en patrouille furent facile à esquiver, d’autant qu’ils restaient plus proches du mur d’enceinte que du centre de la bourgade. Quelques coups de couteau bien placés permirent de saboter efficacement le système permettant de remonter l’eau : si quelqu’un souhaitait s’en servir en urgence, l’ensemble lui resterait sur les bras et, au vu de ce qui se préparait, la personne en question n’aurait jamais le temps de remettre en état le tout avant qu’il ne soit trop tard.
Ce petit sabotage effectué, la démone s’approcha de la demeure du bourgmestre, qui jouxtait la caserne (ou ce qui en tenait place dans ce bled de pouilleux). Ces deux bâtiments contenaient les responsables de sa déconvenue d’un peu plus tôt, et elle comptait bien leur faire payer cher cette erreur. Ou, en l’occurrence, cette décision juste et réfléchie qui avait eu le malheur de déplaire à la pyromane locale.
La jeune femme, une fois sur place, sortit de son sac à dos de voyage tout un tas de fioles en tous genre qui contenaient des produits qui auraient valu leur pesant de cacahuète partout ailleurs, mais qu’elle utilisait ici juste pour son propre amusement. En majorité, il s’agissait d’accélérant (de l’allume feu amélioré, pour faire simple). Elle en arrosa, copieusement, les parties les plus inflammables des deux bâtiments cibles de son ire. Ponctuellement, d’autres mixtures furent également ajoutées à l’œuvre en préparation, plus par fantaisie que par réelle utilité. Des années d’expérimentations diverses et variées avaient appris à la démone comment obtenir le maximum d’effet avec le minimum de produit, et elle utilisait aujourd’hui cette compétence à plein… Sur un village campagnard qui n’avait rien demandé. Avec un haussement d’épaule à l’idée de causer la mort d’innocents, Sylith mit fin à son œuvre après plus d’une heure de labeur minutieux (et discret). Sitôt fait, elle reprit le chemin par lequel elle était arrivée, se hissa à nouveau par-dessus la palissade, et s’éloigna avec un petit sourire satisfait plaqué sur le visage. Son humiliation d’un peu plus tôt n’était qu’un prétexte pour ce qu’elle s’apprêtait à faire, elle en était parfaitement consciente… Et cela lui convenait tout à fait.
Une fois à distance respectable de la bourgade, la pyromancienne commença à incanter. Elle prit son temps, s’assurant que son sort serait suffisamment puissant pour atteindre son but… Et suffisamment précis pour éliminer d’un coup les cibles de son mécontentement, pour artificiel qu’il fut. Elle repoussait, encore et toujours, le moment de lancer le sortilège, savourant les instants qui précèdent l’extase comme on apprécierait des préliminaires bien menées. Et puis, lorsque l’attente se fit insoutenable et que des frissons commençaient à parcourir le corps de notre criminelle, celle-ci relâcha d’un coup la puissance magique accumulée, et ce fut une orbe de feu grandiose qui parcouru pendant quelques secondes le ciel nocturne avant d’aller s’écraser sur les deux bâtiments soigneusement préparés.
La démone se retourna, le temps d’un battement de cœur, pour grimper à une branche de l’arbre le plus proche afin de s’offrir un meilleur point de vue. Le chaume s’embrasa immédiatement et, les produits alchimiques présents firent également leur effet. Le toit de la maison du bourgmestre décolla d’un coup sec, visiblement pressé d’abandonner le bâtiment qui commençait à se consumer sous lui, et alla s’écraser à proximité, ne manquant pas de mettre le feu à plusieurs habitations proches. Les flammes qui dévoraient la caserne, elles, vinrent activer d’autres réactifs qui provoquèrent explosions et boules de feu d’une variété de couleur absolument phénoménale. Il y avait là, bien sûr, le rouge du feu, mais également du vert, du bleu et même une pointe de rose à l’occasion. Le spectacle était grandiose. Les habitants des deux cibles étaient, très certainement, décédé à l’impact ou peu après, mais ça n’était pas ça qui intéressait Sylith. Elle voulait voir le village brûler, et brûler de façon aussi majestueuse que possible.
Toujours sur sa branche, elle observait le spectacle avec des yeux agrandis par le plaisir qu’elle éprouvait à y assister, s’assurant qu’elle n’en manquait pas une miette. Sous elle, ses jambes se balançaient dans le vide comme celles d’une gamine toute contente d’avoir reçu un cadeau quelconque. Du village, en revanche, les hurlements commencèrent à retentir, et redoublèrent d’intensité une fois que les habitants se rendirent compte que le puits était hors service. Pas de chaîne humaine ce soir, et il y avait de fortes chances que le village tout entier se consume à brève échéance… C’était, bien sûr, très exactement le but recherché. Elle regarda le spectacle se poursuivre, les chaumières s’embrasant les unes après les autres tout au long de la nuit.
Vint l’aube, et Sylith était toujours perchée sur sa branche, pas moins captivée qu’aux premiers instants de cette apothéose. Concentrée qu’elle était sur son œuvre, elle n’entendit pas les personnes qui s’approchèrent derrière elle, jusqu’à ce que celle en tête s’éclaircisse la gorge de manière fort sonore, visiblement pour capter son attention. La démone se laissa tomber en arrière, restant accrochée à sa branche par la seule force des bras. A présent la tête en bas, elle dévisagea le nouveau venu avec une certaine curiosité. Celui-ci portait une couronne et était d’un sérieux absolu, contrastant avec l’exubérance que la démone affichait encore quelques instants plus tôt. Lorsqu’il prit la parole, ce fut d’une voix grave et posée, emplie d’autorité et visiblement habituée à commander :
«
-Il est aisé de vous suivre à la trace ces derniers temps, jeune femme, mais je peux vous assurer sans risque que vous gâchez vos talents dans cette région reculée. Je me nomme Darion Sombrelame, et je pense que nous devrions discuter. »
Curieuse mais ne sachant pas véritablement à quoi s'attendre, la jeune femme se laissa tomber de son perchoir, atterrissant sur ses pieds par on ne sait quelle entorse à la gravité de Feleth. Elle suivit l'homme sur quelques mètres, jusqu'à une petite clairière où elle put se laisser tomber dans un tas de feuille morte tandis que la bourgade achevait de se consumer à proximité. Assise là, presque comme devant un professeur, Sylith écouta Darion lui expliquer qui il était, et ce qu'il cherchait à accomplir. Il expliqua, surtout, comment il souhaitait y arriver, et de quels moyens il disposait.
Son objectif était relativement indifférent à la jeune femme qui ne désirait certainement pas le pouvoir politique... Mais le plan pour y arriver, les moyens mis en oeuvre... Ça, il y avait certainement quelque chose à en tirer. Oh bien sûr, Sylith ne serait jamais général d'une armée, et ça ne l'intéressait de toute façon pas, mais qu'est-ce que l'Ordre du crépuscule attendait d'elle, en vérité? Guère plus que ce qu'elle faisait jusqu'à maintenant... Mais toujours à plus grande échelle, avec plus de ressources à sa disposition, et potentiellement avec une paire de camarades qui apprécieraient son oeuvre à sa juste valeur. D'une certaine façon, c'était elle qui se servait du groupe pour assouvir ses propres fantasmes.
La décision de la jeune femme fut en réalité prise avant même que le soleil ait finit de se lever sur le bois dans lequel ils se trouvaient, et elle accepta l'offre de Darion sans véritablement s’appesantir dessus... Après tout, qu'est-ce qui aurait bien pu mal tourner?
En ce qui vous concerne
A quelle fréquence serez-vous présent sur le forum ? Environ h24 sur le discord, et je devrais être en mesure de sortir un ou deux RP par semaine.
Comment avez-vous découvert le forum ? A long long time ago in a galaxy far far away… Via Carl et Darion.
Quelles remarques pouvez-vous formuler à propos de l’apparence du forum ? Eh bien c’est tout à fait respectable ô_o
Test-RP
Les doigts gras de Graumann s’attardèrent sur son jeu un instant, envisageant assez visiblement de se coucher. Il n’avait pas eu de chance de la soirée et avait maintenant redoublé de prudence, malheureusement trop tard pour ses poches qui étaient déjà bien plus légères que lorsque le groupe s’était attablé pour une partie.
«
-Bon je remets trois, j’suis à peu près sûr que Reinhardt bluffe. »
L’intéressé, un colosse de près de deux mètres de haut et moitié aussi large, leva les mains dans un geste démontrant (supposément) son innocence absolue. C’était, sans le moindre doute, celui qui prenait le plus de risques à la tablée… Mais également celui à qui cela réussissait le mieux. Il avait amassé un joli pactole au cours de la dernière heure de jeu, et continuait à remporter suffisamment de manches pour rester à flot sans avoir besoin de remettre en jeu plus de ses économies. Oh, bien sûr, les enjeux n’étaient pas très élevés, c’était une partie entre petites gens qui, en conséquence, misaient petit… Mais personne ne souhaitait quitter la taverne avec moins que ce avec quoi il était entré. Il y avait des familles qui attendaient à la maison, des bouches à nourrir… A vrai dire, la mauvaise habitude des jeux d’argents avait probablement causé plus de malnutrition que les salaires de misère que touchaient les dockers de Camorr.
Sylith, quant à elle, réarrangea ses cartes pendant quelques instants avant de les poser sur la carte, retournées. Pas de jeu, encore une fois, et ça n’était pas la peine de perdre de l’argent bêtement. Elle s’en était, jusqu’ici, bien sortie, et son côté tête brûlée ne l’empêchait pas de faire preuve d’une certaine prudence à l’occasion. Tout le monde ayant compris ce que le geste voulait dire, le tour de table continua sans qu’elle ait besoin d’annoncer qu’elle se couchait. Regardant les joueurs autour d’elle, la sueur coulant du front dans cette taverne surchauffée, elle se dit qu’il y avait longtemps qu’elle n’avait pas remis les pieds à Camorr. Elle appréciait cette ville, ne serait-ce que pour les souvenirs qu’elle lui procurait, et il lui arrivait d’y faire une étape de temps à autres. C’était aujourd’hui l’occasion de faire l’une de ces étapes. Elle avait, promptement, trouvé une tablée de jeu ouverte à l’idée de jouer avec une étrangère et ni une ni deux s’était engagée dans une partie de Tonk endiablée. Le jeu était d’une simplicité enfantine, et c’était probablement la raison pour laquelle il était pratiqué sur toute la côte du Grand Océan ainsi qu’assez loin dans les terres. On y perdait son argent avant de rentrer dépité, mais on était tout de même de retour le lendemain pour retenter sa chance. Encore et toujours. Les hommes ne sont pas très malins.
La jeune femme prit une gorgée de sa bière. Ça avait le gout de quelque chose qui se rapproche de la pisse de cheval, mais il n’y avait que ça de disponible dans les bas quartiers de la ville, aussi devrait-elle s’en contenter. Pas de grands crus comme on pouvait en trouver dans le Royaume, ou de vin alchimiques comme il en existait à Béolan… Non, juste de la pisse, et tout le monde buvait cela avec une satisfaction évidente. Un facteur de cohésion sociale, sans doute.
La manche prit fin quelques instants plus tard et Graumann ramassa la mise. Pas grand-chose dans la mesure où il n’avait pas osé faire monter les enchères, mais suffisamment pour renflouer son maigre trésor de guerre qui commençait tout de même à salement tirer la gueule. Lukas ramassa le paquet de carte avant de commencer à distribuer. Un coup d’œil rapide à ses cartes apprit à Sylith qu’elle avait, cette fois-ci, de quoi pousser sa chance. Les mises recommencèrent donc dans une relative bonne humeur, personne n’ayant encore été complètement dépouillé. La manche revint, comme prévu, à la jeune femme, qui ramassa ses gains tandis que Reinhardt commençait à distribuer la suivante. La soirée se poursuivit ainsi, alternant victoire et défaite, réussite et échec… Et surtout succès financier et ruine totale. Enfin, ruine totale pour ceux qui remettaient, encore et toujours, plus d’argent sur la table. Deux joueurs la quittèrent suffisamment tôt pour éviter de se faire complètement plumer mais pour les autres… C’était la paye du mois, voire même peut-être de la saison qui se jouait sur cette table.
La partie toucha à sa fin aux heures les plus noires de la nuit. La taverne n’était, dorénavant, habitée que par les piliers de bars, les assoupis ayant besoin de cuver et les quelques irréductibles joueurs de Tonk, disputant leur dernière mise. La concentration se lisait sur tous les visages, de même que la frustration de certains après une énième mauvaise main distribuée. Les dernières pièces de tous les joueurs se trouvaient dorénavant au centre de la table et la pyromancienne, joueuse, avait décidé de remettre en jeu l’ensemble de ses gains de la soirée, ce qui faisait tout de même un sacré pactole, surtout pour les ouvriers attablés avec la jeune femme.
«
-Suite d’épées, s’écria Reinhardt. Envoyez la monnaie!-J’ai bien peur de devoir te décevoir mon ami, Tonk. »
Sylith abattit ses cartes. Une suite royale, la meilleure combinaison du jeu, qui lui avait d’ailleurs donné son nom… Elle venait de remporter la dernière partie de la soirée et, avec elle, la totalité de la mise. Un sourire satisfait étira son visage tandis que celui des autres allait du dépité au complètement abattu. Celui de Reinhardt, en revanche, perdit un instant toute couleur avant de virer au rouge vif tandis que celui-ci élevait la voix, visiblement très énervé :
«
-C’est pas possible! Je suis certain que tu triches, et si c’est le cas t’as le droit à rien du tout. Donne-nous l’argent ou ça va mal finir ! »
Il postillonnait maintenant à quelques centimètres du visage de la pyromancienne, qui ne se départi pas de son air enjoué. Profitant d’une brève accalmie dans son envolée vers les cieux éthérés de la vulgarité, la jeune femme passa le bras droit sous la table et, comme par magie, une dague se planta dans la table juste devant elle, suffisamment proche pour que sa poignée vienne chatouiller le menton du mauvais perdant. Celui-ci perdit, à peu près instantanément, sa superbe, et recula rapidement jusqu’à son siège. Il rassembla ses affaires en toute hâte avant de se lever et de quitter l’auberge, non sans lancer par-dessus son épaule :
«
-Ne dors que d’un œil tant que tu seras à Camorr, tricheuse, ou tu pourrais avoir de mauvaises surprises. »
La jeune femme le laissa quitter l’établissement, notant au passage que le patron secouait la tête d’un air irrité… Il avait visiblement l’habitude de ce genre d’éclats mais, tant que ça ne menait pas à la destruction de son matériel, il s’était résigné à attendre que l’orage passe. La jeune femme se retourna vers les autres hommes encore attablé et lança, d’une voix mielleuse :
«
-Quelqu’un d’autre souhaite me faire part de doléances quelconques ? Non ? Bien. »
La pyromancienne commença alors à rassembler ses propres affaires, entassant l’ensemble de ses gains dans sa bourse. Tandis que les derniers joueurs fixaient la table d’un air crétin, elle se leva pour quitter l’auberge, très satisfaite de sa soirée. En passant devant le comptoir, elle envoya d’une pichenette une pièce d’or devant le patron :
«
-Pour la table. »
Celui-ci hocha la tête tandis que Sylith passait la porte, pour rejoindre l’air nocturne de la cité portuaire. Elle s’éloigna de quelques rues avant d’extraire, de ses manches et de son décolleté, plusieurs cartes de Tonk. Bien sûr qu’elle avait triché, c’était quasiment la seconde règle du jeu : au Tonk, tout le monde a le droit de tricher, mais personne n’a le droit de se faire prendre. Une fois assurée qu’il ne restait plus une seule carte ayant trouvé refuge dans ses vêtements, elle les rassembla en un petit paquet qu’elle incinéra sans même véritablement y penser… Elles avaient fait leur temps.
La jeune femme profita encore un peu de l’air frais de la cité, déambulant sans véritable but dans ses rues endormies. Les quelques fenêtres par lesquelles passaient encore la lumière indiquaient probablement un artisan ou un autre, encore à la tâche, afin de satisfaire en urgence une commande pour le lendemain… Les autres, celles qui ne laissaient deviner qu’une obscurité que rien ne venait troubler, auraient été des cibles de choix pour son ancien groupe de cambrioleurs. C’était presque un pèlerinage, finalement, de revenir dans cette ville… Se rappeler de ce qui avait été, d’une certaine façon, son enfance.
Ses pas la dirigèrent, sans même qu’elle y pense vraiment, jusqu’à l’ancien emplacement de la maison de jeu, celle qui était partie en fumée il y a toutes ses années. Elle avait été remplacée maintenant, et un petit commerce à l’allure prospère se tenait sur les cendres de la bâtisse qui avait enflammé, métaphoriquement pour une fois, Sylith. Elle resta quelques instants à la sortie d’une ruelle à proximité, se remémorant ces premiers instants, ce premier contact avec le feu qui la dévorait depuis… Quelle sensation excitante. Le sourire narquois qui avait orné son visage à la suite de sa victoire aux cartes se transforma en sourire sincère, un brin nostalgique, mais pas amer pour un sous. Elle était contente de ce qu’elle était devenue, et revenir ici le lui rappelait.
Après quelques minutes à fixer, les yeux dans le vague, ce bâtiment intrus, la jeune femme se remit en marche. Elle passa à côté de la boutique et, sans même véritablement y penser, projeta quelques étincelles sur le bâtiment. Celui-ci s’embrasa, en douceur, tandis que la démone s’éloignait. Une forme d’offrande, de sacrifice à un temps révolu, et à un futur qui réservait encore bien des surprises. Elle déambula encore quelques temps, insensible aux cris qui commencèrent à retentir derrière elle, et finit par jeter sa bourse replète dans les bras d’un clochard endormi. Il en aurait certainement plus besoin qu’elle, et elle n’était certainement pas venue ici pour rassembler de l’argent. La soirée l’avait suffisamment satisfaite comme cela.
Une fois qu’elle s’y sentit, finalement, prête, la jeune femme convoqua la magie liée à sa nature véritable et, d’un pas, elle passa du monde gris au monde noir. D’une rue pavée à un champ de blé qui s’étendait à perte de vue. Elle était de retour à la maison… Et il y avait fort à faire.
* * *